Superbike Story 1 : Reg Pridmore, triple Champion

1ère partie : de 1973 à 1978

Peu importe que l'on gagne ou que l'on perde, le jeu consiste à doubler la puissance d'une moto de 80 CH, juchée sur des pneus de bicyclette

Vern Bélanger *

Pocono 1973 : Duhamel (17) vainqueur devant Pridmore (87) et Wilvert (91)
Pocono 1973 : Duhamel (17) vainqueur devant Pridmore (87) et Wilvert (91)

 

La course moto : une question d’époque et de culture

 

Les Grand Prix voient le jour en 1949, dans une Europe en pleine reconstruction.

Les motos sont des prototypes, le plus souvent conçus et engagés par les usines.

Les constructeurs viennent nombreux : d'abord AJS, BMW, Gilera, Norton. Puis Triumph, Velocette, MV Agusta, Moto Guzzi.

Les circuits s’inscrivent déjà dans l’histoire : Assen, Spa-Francorchamps, Monza …

 

Durant plusieurs décennies, les titres, toutes catégories confondues, demeurent l’exclusive des pilotes européens – si l’on considère comme "européens" les britanniques nés dans les pays du Commonwealth.

Il faut attendre 1973, pour voir un non européen sacré Champion du Monde : le japonais Takazumi Katayama, en 350cc

En 500cc, de 1949 à 1973, 24 titres constructeurs sur 25 sont remportés par des machines européennes : AJS, Norton, Gilera, MV Agusta.

Honda en 1965, est la seule marque à faire exception à la règle.

De 1974 à 2019, les usines japonaises remportent le titre constructeurs à 45 reprises.

Une seule fois, le titre reste en Europe : Ducati, 2007.

C’est sur la piste que les marques européennes rivalisent de technologies, se forgent un palmarès et recueillent le prestige de la victoire.

Jusqu’en 1973.

En dehors des Grand Prix point de salut.

La suite démontrera qu’il n’y eut point de salut.

Du tout.

Première sortie pour Yvon Duhamel (17) sur une Z1 à peine modifiée
Première sortie pour Yvon Duhamel (17) sur une Z1 à peine modifiée

28 juillet 1973 : 1ère course à Laguna Seca

C’est justement en 1973, qu’ont lieu les premières courses U.S. de ce qui deviendra le Superbike : en Pennsylvanie, sur le circuit de Pocono, en marge d'une course du Championnat National U.S., et à Monterey, Californie, sur le circuit de Laguna Seca, à l'initiative des promotteurs Gavin Trippe et Bruce Cox.

Les Grand Prix se veulent sérieux, le Superbike sera libre, voire libertaire.

Dans l’air du temps, des seventies, de la moto, objet de loisir, symbole de liberté.

Les types vivent pour la plupart en Californie.

Ils ressemblent à de jeunes surfeurs qui affûtent leur matériel durant la semaine, chargent leur van le vendredi pour partir le week-end, en découdre sur la piste et surtout vivre leur passion.

Yvon Duhamel (17) devant Steve Mac Laughlin (83) et Reg Pridmore (63) dans le Corkscrew à Laguna Seca
Yvon Duhamel (17) devant Steve Mac Laughlin (83) et Reg Pridmore (63) dans le Corkscrew à Laguna Seca

Changement d'époque, changement de culture

 

Les pilotes roulent sur des machines de série.

Depuis l’arrivée sur le marché de la Honda CB 750 en 1969, puis de la Kawasaki 900 Z1 en 1972, les motos sont performantes, fiables et peu onéreuses.

Elles sont devenues si puissantes qu'il est difficile d'exploiter leurs performances sur route ouverte.

Chacun peut s’acheter une moto chez le revendeur local, démonter les clignotants et la mettre le dimanche sur un circuit.

Le règlement est plus que permissif, pourvu que la moto respecte l’aspect général du modèle de série et le poids minimal imposé.

Le reste relève de l’appréciation et du talent du préparateur.

Qui est aussi le plus souvent : le pilote de la moto, le chauffeur de la camionnette pour se rendre au circuit et le principal bailleur de fond de l’équipe !

Duhamel (17) et Mac Laughlin (83) en bagarre à Laguna Seca
Duhamel (17) et Mac Laughlin (83) en bagarre à Laguna Seca

Yvon Duhamel survole la course

 

A Laguna Seca, en ce dimanche 28 juillet 1973, Yvon Duhamel (17) l’emporte sur une Kawasaki 900 Z1 Yoshimura. Il domine la course de bout en bout, bataillant déjà avec les pilotes qui deviendront les pionniers du Superbike : Steve Mac Laughlin (83), 2e sur Kawasaki 900 Z1 Yoshimura et Reg Pridmore (63), 3e sur BMW R75.

Dès la première course, l’A.M.A. – American Motorcycle Association - calque son règlement sur les autres séries existantes :

- modifications sur le moteur autorisées mais limitées aux arbres à cames, aux pistons, à la distribution et à son entraînement

- cadre, roues, échappements, transmission et carburateurs d’origine  

 

La réglementation des Grand Prix est sérieuse et rigoureuse : les prototypes sont conçus, testés et vérifiés par les usines avant la saison. Ils sont homologués, par la F.I.M. et courent ensuite durant toute la saison avec relativement peu de changements.

Le règlement du Superbike U.S. est à l’opposé.

Par nature, il est flou, imprécis et permissif.

Il ouvre grand la porte à tous les excès.

Ferme les yeux sur toutes les tricheries.

 

Et les motos évoluent en profondeur à chaque course !

 

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 27 juillet 1974 : "Superbike National"

La course de l'année précédente s'étant avérée très populaire auprès des fans, les organisateurs invitent de nouveau les pilotes à en découdre sur la piste californienne dans un meeting qui accueille également une épreuve de l'AMA Road Race National.

Yvon Duhamel (17) remporte de nouveau l'épreuve sur Kawasaki Z1 Yoshimura.

Marty Lunde se classe 2e sur BMW R90S "short stroke".

Fred Walti est 3e sur Kawasaki Z1.  

 

La revue Cycle News en fait sa couverture et titre : "Superbike National".

Une classe est  née. 

Reg Pridmore (63) sur une BMW R90S quasi d'origine
Reg Pridmore (63) sur une BMW R90S quasi d'origine

Daytona 1975 : "Open Superbike Production"

 

Yvon Duhamel (17) à Daytona sur Kawasaki Yoshimura 994
Yvon Duhamel (17) à Daytona sur Kawasaki Yoshimura 994

Si la première course a bien eu lieu en 1973 à Laguna Seca, c’est en 1975 à Daytona que commence véritablement l’histoire du Championnat.

On ne parle pas encore de Superbike mais de classe "Open Superbike Production".

OPEN : parce que tout y est plus ou moins libre

PRODUCTION : parce que les machines ressemblent à des motos de série

Les échappements sont d’origine.

La tenue de route tout autant !

Quelques préparateurs, basés dans le sud de la Californie commencent à modifier ces drôles de machines : Kerker, Bassani, Racecrafters, Yoshimura R&D of America.

On renforce les cadres en soudant des tubes d’acier : entre les berceaux, sous le réservoir, sous la selle, derrière les caches latéraux ...

Contrairement aux circuits européens très techniques, la plupart des circuits U.S. ont de grands tracés, ovales ou peu sinueux, conçus pour la course automobile :

- Pocono est un tri-ovale de 4 km comprenant trois virages

- Riverside, une sorte d'oblong de 5 km comprenant un retour sinueux

- Daytona, un tri-ovale incliné, de 4 km, auquel on rajoute une partie sinueuse pour la moto  

- Loudon, un petit ovale de 1 mile, doté d'une partie sinueuse, ce qui porte sa longueur à 2,5 km

A la sortie des "bankings" - virages relevés pouvant atteindre 31°– les motos de série, avec leurs moteurs gonflés, atteignent des vitesses supérieures à 265 km/h.

Accrochés à leur grand guidon, les pilotes prennent le vent dans les lignes droites.

A l'époque, peu nombreux sont ceux qui portent un casque intégral.

Les échappements et les carters frottent dans les chicanes. Il crissent et lâchent de longues gerbes d’étincelles.

A la grande joie des spectateurs, au plus près de la piste, juste derrière les murets en béton et les grillages.

Très vite, les pilotes comprennent qu’avec un moteur puissant, un cadre en chewing-gum et des pneus lignés, il est illusoire de parler de tenue de route : les motos guidonnent, louvoient, se tortillent, se tassent et rebondissent.

 

Superbike ou Frankenbike ?

 

Après les cadres, on renforce les bras oscillants – sous-dimensionnés sur les motos de l’époque.

Après les bras oscillants, on modifie et renforce les colonnes de direction.

Puis les tés de fourche.

L’ajout d’un second disque à l’avant améliore le freinage, raccourcit les distances, mais augmente les contraintes sur la fourche : maintenant, les motos se tortillent aussi au freinage.

 

Les motos sont si dangereuses et effrayantes qu'on les surnomme "Frankenbikes".

 

Cette année-là, des motos de série deviennent progressivement de véritables motos de course.

Les Superbikes sont nées, et avec elles, autant des pilotes-préparateurs !
Dave Aldana (10) vainqueur à Daytona
Dave Aldana (10) vainqueur à Daytona

Au palmarès, triplé Kawasaki à Daytona :

Dave Aldana, Kawasaki 900 Z1 Yoshimura (n°10)

Bob Endicott, Kawasaki 900 Z1 (n°154)

Yvon Duhamel, Kawasaki 900 Z1 Yoshimura (n°17)

 

Dans les dix premiers : quatre 900 Z1, quatre BMW R90S, deux Harley-Davidson.

 

DAYTONA 1975 : LA MOTO DU VAINQUEUR

"Flying" Kawasaki Yoshimura 994   - Dave Aldana

Si en 1973 les motos étaient encore très proches de la série, en 1975, les Kawasaki préparées par Pops Yoshimura pour la course de Daytona s'en éloignent considérablement.

Le plus évident est l'imposant déflecteur en aluminiun destiné à orienter le flux d'air frais vers la culasse.

L'augmentation de cylindrée de 903cc à 994cc et le travail réalisé sur l'équipement mobile de la culasse (soupapes, arbres à cames) entraînent une élévation de température importante au niveau des sorties d'échappements.

Un échangeur air/huile, placé sous la colonne de direction, en avant de la culasse, permet d'augmenter la quantité d'huile moteur d'environ 1/2 L et de maintenir une température moteur acceptable.

 

Sur la moto victorieuse de Dave Aldana, n°10, les disques de frein AV sont largement perforés.

Ils sont pleins sur la moto d'Yvon Duhamel, n°17.

Sur les deux machines, les étriers ont migré derrière les fourreaux de fourche.

 

Pour améliorer la garde au sol :

- le gros carter d’alternateur est biseauté et rebouché à l’alu

- les repose-pieds sont remontés

 

Les amortisseurs d’origine ont été remplacés par des combinés Mulholland.

La fourche est modifiée : les orifices des "cartouches" internes sont rebouchés à la soudure et des trous plus petits sont pratiqués, afin de ralentir le transfert de l'huile. Les ressorts sont raccourcis de 40 mm et équipés de cales. L'huile est composée d'un mélange de lubrifiant pour transmission automatique (3/4) et d'huile moteur (1/4).

Le bras oscillant est raccourci de 2,5 cm.

La jante AR à rayons, est une Borrani en 4', pour la monte d’un pneu plus large.

La roue AV est une Morris à 7 branches, en 19’.

 

Yvon Duhamel (17) et Reg Pridmore (63) au départ de la course de Daytona
Yvon Duhamel (17) et Reg Pridmore (63) au départ de la course de Daytona

1976 : 1ère saison Superbike

Trois courses au programme de cette saison 1976 :

- Daytona, Floride

- Laguna Seca, Californie

- Riverside, Californie.

 

Le terme "Superbike" est officialisé, le Championnat apparaît en cours de saison sur les tablettes de l’A.M.A.

 

Pour gagner des courses, il faut encore une fois, privilégier la tenue de route, plutôt que la puissance des moteurs.

En 1976, les motos européennes sont avantagées par le règlement qui impose de conserver la taille des roues d’origine.

Avec leurs roues en 18’ à l'avant et à l'arrière, les machines européennes peuvent utiliser des pneus slicks de Grand Prix.

Ces pneus, conçus pour la piste, n’existent pas pour les roues AV de 19’ dont sont équipées les machines japonaises.

Celles-ci roulent avec des Michelin M45 PZ2 ou PZ4, moins performants.

Les motos japonaises sont de plus en plus puissantes.

Les préparateurs commencent à comprendre comment les châssis et les suspensions interagissent.

La vitesse de passage en courbe reste encore limitée : les bas-moteurs des gros 4 cylindres frottent des deux côtés et percent leurs carters d'allumage et d'alternateur.

Steve Mac Laughlin (83) vainqueur à Daytona
Steve Mac Laughlin (83) vainqueur à Daytona

Deux philosophies s'opposent : tenue de route européenne contre puissance moteur japonaise   

 

Daytona International Speedway, 5 Mars 1976

 

Gary Fisher (24) sur BMW, réalise la pole position - il terminera à la 15e place.

Steve Mac Laughlin (83)  et Reg Pridmore (163) sont départagés à la photo finish : Mac Laughlin gagne avec moins d'une demie-roue d'avance sur Pridmore.

Les deux pilotes roulent pour le Team Butler & Smith, importateur BMW aux U.S.A.

Cook Neilson (31) sur Ducati, se classe 3e.

A 20 ans, le débutant Wes Cooley (35) sur Kawasaki, termine 4e.  

24 pilotes sont classés.

 

Malgré sa deuxième place, Reg Pridmore déclarera par la suite, que Daytona 1976 reste sa course la plus mémorable.

Je suis entré dans la chicane plus vite que quiconque, y compris moi-même.

Reg Pridmore, à l'arrivée de la course de Daytona

Trois motos européennes trustent le podium à Daytona :

Steve Mac Laughlin, BMW R90S

Reg Pridmore, BMW R90S

Cook Neilson, Ducati 750

 

Dans le top 10, six motos européennes, quatre motos japonaises (quatre Kawasaki 900 Z1).

La victoire à Daytona sera largement exploitée par BMW qui commercialisera une version orangée de sa R90S, rebaptisée "Daytona".
Reg Pridmore sur la BMW R90S
Reg Pridmore sur la BMW R90S

Bryar Motorsports Park, Loudon, 20 juin 1976

 

Pole position et victoire pour Mike Balwin (86) sur Moto Guzzi.

Gary Fisher (24) sur BMW est 2e.

Reg Pridmore (163) sur BMW est 3e.

10 pilotes classés.

 

Laguna Seca Raceway, 1er Août 1976

 

Cook Neilson réalise la pole. Il ne terminera pas la course.

1er Reg Pridmore (163), BMW R90S

2e Keith Code, Kawasaki 900 Z1

3e Mike Parriott, Kawasaki 900 Z1

A noter la 4e place d’une Yamaha 350 RD : c’est dire si la série est encore ouverte et perfectible à cette époque.

10 pilotes à l'arrivée.

 

Les Kawasaki montent en puissance.

La base moteur est solide et fiable, les préparateurs commencent à comprendre toute la puissance qu’ils peuvent tirer de ce moteur, sans altérer la fiabilité.

Un nom commence à s'imposer dans le paddock : Pops Yoshimura
Pops Yoshimura et son équipe
Pops Yoshimura et son équipe

 

Riverside International Raceway, 3 octobre 1976

 

Triplé européen pour la clôture de cette première saison : 

Reg Pridmore (163), BMW R90S - également auteur de la pole position

Cook Neilson (31), Ducati 750

Steve Mac Laughlin (83), BMW R90S

Les primes d'arrivée : 375 $ au 1er, 260 $ au 2e, 180 $ au 3e.

 

Au terme de cette saison, Reg Pridmore avec 69 points (2 victoires, 3 podiums) remporte le 1er Championnat Superbike de l'histoire, sur BMW R90S. 

Steve Mac Lauglin est 2e avec 36 points.

Gary Fisher, 3e avec 33 points grâce à deuxième place à Loudon - il termine à égalité de points avec Cook Neilson.

 

Le Team BMW Butler & Smith réalise le triplé.

 

I beat a lot of the bad boys and the Japanese and Italian factories. It made a lot of people sit up and say, ' On a BMW ? ' 

Reg Pridmore

La BMW de Mac Laughlin (83) en plein vol
La BMW de Mac Laughlin (83) en plein vol

1976  :  LA MOTO DE L'ANNEE

BMW R90S   -   Reg Pridmore

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BMW est l'une des premières usines à s'intéresser au Championnat Superbike, par l'entremise de son importateur U.S. Butler & Smith.

Trois motos sont préparées et confiées à Reg Pridmore, Steve McLaughlin et Gary Fisher.

Dès la première course à Daytona en Mars 1976, les machines préparées par Udo Gietl prêtent le flanc à la polémique.

Gietl a compris tout l'intérêt de remplacer les combinés amortisseurs d'origine, peu efficaces, par un mono-amortisseur Koni, comparable à ceux utilisés en F1 :

- obtenir une meilleure progressivité d'amortissement

- relever l'arrière de la moto

L'amortisseur unique en position semi-horizontale est directement fixé à l'épine dorsale du cadre, juste au-dessus du moteur.

Pour cela, il découpe le cadre et modifie la boucle AR et le bras oscillant. Il élargit également le bras oscillant pour laisser passer le gros pneu AR.

Toutes modifications interdites par le règlement de l'époque.

 

Les commissaires de l'A.M.A., pris au dépourvu, autorisent la moto à prendre le départ avec son mono-amortisseur, mais déclarent le système imaginé par Gietl illégal, au lendemain de la première course de Daytona.  

Il y avait une faille [dans les règles] qui disait que vous pouviez modifier le bras oscillant et déplacer la suspension arrière. J'ai testé les règles lorsque j'ai construit la suspension arrière mono-amortisseur.

Udo GIETL, Team Manager BMW

Le cadre est également ressoudé et renforcé en plusieurs points.

La fourche demeure d'origine mais profondément modifiée en interne.

Un té supérieur spécifique permet de redescendre les tubes par rapport à leur positionnement d'origine.

En réhaussant à la fois l'arrière et l'avant de la moto, Gietl augmente la garde au sol, principal handicap de la BMW.

La moto est équipée de roues à rayons - jante Borrani en 18' à l'AV, DID en 4x18' à l'AR.

Cela autorise la monte de pneus slicks, habituellement utilisés en Grand Prix.

Les étriers AV sont des Lockheed.

Le frein AR est d'origine à tambour.

Avec un poids inférieur à celui des motos japonaises à moteur 4 cylindres, des pneus slicks et un freinage de qualité, on a vite défini les principales qualités des BMW.

Le petit guidon cintre plat et la selle à dosseret viennent compléter la préparation.

Pour obtenir cette puissance, il fallait faire quelque chose, dit Udo Gietl, en insistant sur le mot "quelque chose"

Gietl a l'idée de réaliser une pièce en aluminium pour l'intercaler entre la boîte de vitesses et le bloc moteur. Cela a pour effet de modifier la répartition des masses, et de charger l'avant de la moto.

Le moteur est entièrement préparé : il ne comporte plus aucune pièce d'origine.

Le vilebrequin est allégé et équilibré.

Les bielles sont en titane, elles sont plus courtes qu'à l'origine, toujours en vue d'améliorer la garde au sol.

Les pistons forgés de fabrication Venolia ont un diamètre augmenté de 6 mm par rapport à l'origine. Les segments sont issus de l'automobile. Ils résistent au fort taux de compression et sont conçus pour réduire les frottements. Les axes des pistons sont plus légers.

Les poussoirs des soupapes sont réalisés en titane.

Les soupapes d'admission, d'un diamètre de 46 mm, proviennent de Chrysler Hemi.

La chambre de combustion des culasses est retravaillée.

Une deuxième bougie est installée sur chaque culasse - double allumage.

Le taux de compression est de 12.2 à 1 (9.5 à 1 d'origine), valeur extrêmement importante, à l'époque, pour un moteur refroidi par air.

Les goujons de cylindres sont spécifiques : plus courts et plus résistants.

Les conduits d'admission et d'échappement sont alésés et polis miroir.

Les conduits d'admission sont eux-mêmes coupés au niveau de la culasse afin d'obtenir un angle plus direct vers la chambre de combustion.

La puissance est de 93 CH en sortie de boîte (67 CH pour la R90S d'origine).

Des rumeurs vont rapidement circuler concernant la cylindrée réelle des BMW : l'alésage ayant été augmenté et la course diminuée, on ne saura jamais vraiment la cylindrée exacte des moteurs préparés par Udo Gietl.

 

L'embrayage est dorénavant à sec.

La boîte de vitesses est entièrement refaite et comprend des rapports resserrés.

Des arbres à cames spéciaux sont usinés dans la masse et traités au chrome dur.

La capacité du carter d'huile inférieur est portée à 2,5 L.

Un échangeur air/huile est rajouté.

Sur le plan réglementaire, les échappements d'origine doivent être conservés.

C'est sans compter sur l'imagination d'Ugo Gietl et de son adjoint Todd Schuster : les silencieux sont certes d'origine, mais ils ont été dessoudés et vidés. Le  contenu initial a été remplacé par des cônes inversés spéciaux. Les échappements ont ensuite été ressoudés et peints en noir mat afin de tromper l'attention des commissaires.

 

1976 restera l'unique titre Superbike conquis par une marque européenne

 

En 1976, Gietl et son équipe ont tout de même réussi un tour de force incroyable : transformer une BMW de tourisme, dont les cylindres à plat touchent le sol au moindre virage, en véritable Superbike.

Ses motos ont triomphé à Daytona, reléguant les puissantes motos japonaises au rang de figurants.

Sur l'ensemble de la saison, il a apporté un triplé à BMW, seule marque européenne à avoir conquis le titre dans toute l'histoire du Superbike.

Gietl a su tirer parti des points forts de ses machines : poids, tenue de route, freinage, fiabilité.

Ses pilotes ont fait le reste.

 

Gietl a aussi utilisé intelligemment les faiblesses du règlement et le manque d'expérience des commissaires de l'A.M.A. dans un Championnat naissant.

Reg Pridmore (163)
Reg Pridmore (163)

1977 : les japonaises prennent le pouvoir 

 

La saison 1977 s'apparente enfin à un vrai Championnat.

Sept épreuves sont inscrites au calendrier :

- Daytona, Floride

- Harrisburg, Pennsylvanie

- Laconia, New Hampshire

- Sears Point, Californie

- Pocono, Pennsylvanie

- Laguna Seca, Californie

- Riverside, Californie

 

1977 est l'année où les motos japonaises prennent définitivement l’ascendant sur les machines européennes.

Les Teams se structurent, les préparateurs commencent à avoir de solides retours d’expérience.

 

La presse moto s’empare de ce nouveau phénomène, né en Californie, berceau de toutes les nouvelles tendances.

Les  revues spécialisées couvrent les courses – les Grand Prix européens sont si loin. Elles publient de longs reportages sur la préparation des motos. Cela renforce l’intérêt du Championnat auprès des futurs pilotes, de plus en plus nombreux, des organisateurs et du public.

En outre, Cool Neilson, rédacteur en chef de la revue Cycle, participe lui-même au Championnat au sein duquel il joue les premiers rôles.

 

Les usines commencent à s’intéresser à ces drôles de motos qui ressemblent à la série et s’affrontent sur la piste. Leurs services marketing ne sont pas insensibles : pour vendre des motos aux U.S.A. mieux vaut qu’elles fassent leurs preuves en compétition.

Le succès naissant du Superbike n'est pas sans évoquer la série NASCAR, très populaire aux U.S.A., ses autos de course qui ressemblent aux voitures de "Monsieur tout le monde" et dont les moteurs gonflés développent plus de 400 CH.   

Cook Neilson (31) devant Steve Mac Laughlin (83)
Cook Neilson (31) devant Steve Mac Laughlin (83)

Daytona International Speedway, 11 Mars 1977

 

Grosse surprise en provenance d'Europe à l’ouverture de la saison : Cook Neilson se présente à Daytona avec une toute nouvelle Ducati dont le moteur porté à 883cc, développe 90 CH au régime maxi de 9 000 tr/mn.

Les soupapes - 44 mm pour l'admission, 39 mm pour l'échappement - proviennent d'une Harley-Davidson XR de Dirt Track.

Les pistons, fabriqués par Venolia, comportent des segments de Yamaha 500 XT et des axes de Toyota.

Les culasses ont été retravaillées par Jerry Branch.

Le filtre à huile provient d'une Volkswagen coccinelle.

Une boîte de vitesses Racing à étagement rapproché a été envoyée par l'usine - il faudra toutefois la remplacer après chaque course, les matériaux utilisés étant d'assez mauvaise qualité.

Avec un nouveau cadre, léger, efficace et particulièrement adapté au circuit, la Ducati version 1977 dispose d'un empattement allongé, d'une chasse augmentée et de roues Morris Magnésium de 18’. L'étrier de frein AR Fontana est également en magnésium.

La moto pèse environ 180 kg contre 210 kg à la 750cc de l'année précédente.

Un demi-carénage et des guidons bracelets offrent au pilote une protection et une tenue de route jusque-là inégalées.

Cook Neilson (31) l’emporte avec 28 secondes d'avance sur les deux Kawasaki Z1 994 de David Emde (25) et Wes Cooley (33), qui s'offre son premier podium en Superbike.

Ce sera l'unique victoire en Superbike de Cook Neilson.

Mais quelle victoire ! 

 

Cook Neilson (31) dans son tour d'honneur à Daytona
Cook Neilson (31) dans son tour d'honneur à Daytona

Petite tricherie entre amis

 

Il ne faut surtout rien enlever au triomphe de Cook Neilson, journaliste de métier, pilote amateur mais de grand talent, qui s'était fixé comme objectif de remporter au moins une fois, la course de Daytona.

Toutefois.

La nouvelle Ducati 883 ne fonctionne qu'avec des mégaphones, dont le bruit dépasse largement 115 décibels. 

Pour franchir l'écueil des vérifications techniques, Cook Neilson modifie l'étalonnage du compte-tours afin que celui-ci affiche la moitié du régime réel : le compte-tours indique 4 000 tr/mn quand le moteur tourne en réalité à 2 000 tr/mn.

Dans ces conditions, la moto satisfait ainsi au contrôle technique ... avec des échappements particulièrement libérés et sonores, qui émettent sans doute bien plus que les 110 décibels autorisés par le règlement.

 

Everybody knew what the deal was. There were certain areas that you wouldn’t touch or tinker with. There was a gentleman’s understanding about protests.

Cook Neilson, vainqueur à Daytona

 

L'avis du roi Kenny 

  

Kenny Roberts a l'occasion d'essayer cette machine, lors d'un week-end de course à Laguna Seca :

"Le frein AR ne fonctionne pas, la fourche est trop raide et a trop d'angle. L'arrière est aussi trop rigide. Mais le moteur est plaisant à piloter".

Kenny Roberts a bien résumé le Superbike !

  

Cook Neilson 1er (au centre), David Emde 2e, Wes Cooley 3e
Cook Neilson 1er (au centre), David Emde 2e, Wes Cooley 3e

Le surnom des Kawa 994 Yoshimura : "Flexi Flyer Garbage Can Four" 

 

Les "Flying" Kawasaki, préparées par Pops Yoshimura, sont réalésées à 994 cc.

Elles développent 120 CH à la roue AR, soit 40 de plus qu’à l’origine, et atteignent 246 km/h en bout de ligne droite.

Il n’y a toujours pas de pneu slick disponible pour les roues AV de 19’.

La tenue de route est effroyable : à pleine vitesse, les motos guidonnent et les pilotes ne savent jamais s’ils vont atteindre le prochain virage.

Le règlement impose de conserver les pots d'échappement d'origine. 

La plupart des concurrents vident les pots de leurs chicanes et de leurs cloisons internes afin de libérer la puissance de leur moteur.

Le bruit des motos ainsi débridées enchante les spectateurs et contribue au succès populaire des Superbikes.

 

Pops Yoshimura va un peu plus loin, quitte à contourner le règlement : d'une manière discrète, les quatre tubes d'échappement sont reliés entre eux, sous le moteur, et ne sortent que dans un seul des quatre silencieux d'origine. Ce qui revient à faire fonctionner la moto avec un 4 en 1. Les trois autres silencieux ne sont pas raccordés, ils sont là pour donner l'illusion que le règlement est respecté ...   

   

 

Bien que très permissif, le règlement de l'A.M.A. est tout de même contourné

    

Kurt Liebmann (95)
Kurt Liebmann (95)

Charlotte Motor Speedway, Harrisburg, 20 Mars 1977

 

Le Team de Reno Léoni, importateur de Moto Guzzi pour les U.S.A., réussit le doublé avec ses 850 Le Mans.

Mike Baldwin (186) remporte la 1ère de ses 10 victoires en Superbike.

Kurt Liebman (95) est 2e.

Wes Cooley (33) est 3e, sur Kawasaki 994 Yoshimura.

12 pilotes à l'arrivée.

Reg Pridmore (163) sur la Kawasaki Racecrafters
Reg Pridmore (163) sur la Kawasaki Racecrafters

 

En Superbike, les pilotes n'ont pas de contrat, ils changent d'écurie en cours de saison

 

Laconia Classic, Bryar Motorsports Park, Loudon, 19 Juin 1977

 

Coup de tonnerre sur le Championnat : le Champion en titre, Reg Pridmore, quitte BMW en cours de saison, pour s’engager avec le Team Kawasaki Racecrafters, dont les motos sont préparées par Pierre Desroches.

 

Les temps changent : l'argent envahit le Superbike

 

Ron Pierce (97) sur BMW R90S s’impose pour la 1ère fois, devant Reg Pridmore (163), désormais sur Kawasaki 1015cc et Kurt Liebman (95) sur Moto Guzzi 850 Le Mans.

14 pilotes classés.

La rumeur continue d'enfler dans le paddock : les moteurs des BMW R90S officielles dépasseraient de manière "sensible", la limite de cylindrée - 1025cc - imposée par le règlement.

Comme le rappelle Cook Neilson avec élégance, aucun pilote ne dépose de réclamation - peut-être aussi par peur d'être l'objet d'une réclamation en retour ...

Les commissaires techniques quant à eux, ne jugent pas nécessaire d'ouvrir les moteurs, afin de vérifier leurs côtes internes.

La victoire de Ron Pierce est donc validée, faute de contestation.  

Paul Ritter (276) sur Ducati 860
Paul Ritter (276) sur Ducati 860

Sears Point Raceway, Sonoma, 16 Juillet 1977

 

Nouveau coup de théâtre, nouveau transfuge : Steve Mac Laughlin délaisse à son tour BMW pour rallier le Team Kawasaki Racecrafters.

Cela n'empêche pas de voir à l'arrivée, trois motos européennes sur le podium :

Paul Ritter (276), Ducati 860 - également auteur de la pole position

Cook Neilson (31), Ducati 883

Ron Pierce (97), BMW R90S

15 pilotes à l'arrivée. 

 

A noter : la 7e place d'Eric Buell (6), le futur patron de Buell Industry, sur une Ducati 900. 

Eric Buell sur Ducati 900 (6)
Eric Buell sur Ducati 900 (6)

Pocono International Raceway, 21 Août 1977

 

La course de Poconno marque un tournant dans l'histoire du Superbike : c'est la première victoire officielle du machine japonaise.

Reg Pridmore (163) l'emporte sur la Kawasaki 1015 Racecrafters.

Mike Baldwin (186) sur Moto Guzzi 850 Le Mans est deuxième.

Kurt Liebman (95) sur Moto Guzzi 850 Le Mans, troisième.

14 pilotes à l'arrivée.

 

La victoire aurait du revenir à Wes Cooley (33) sur Kawasaki 994 Yoshimura. Celui-ci fait la course en tête avant d'abandonner sur casse moteur - une soupape ayant lâché - ce qui est très rare sur les motos préparées par Pops Yoshimura.

En Superbike, même les écuries changent de marque en cours de saison

 

Laguna Seca Raceway, 11 Septembre 1977

 

Nouveau transfuge : on avait vu des pilotes changer de marque en cours de saison (Reg Pridmore, Steve Mac Laughlin), voici maintenant que le Team Racecrafters change de marque de moto et remplace en cours de saison, l'une de ses Kawasaki par une Suzuki !

Steve Mac Laughlin (83) offre à la nouvelle Suzuki GS 750 sa première victoire, dès la première course.

La moto préparée par Pops Yoshimura est réalésée en 944cc.

Pops Yoshimura, qui continue de préparer par ailleurs, des Kawasaki 994 ... Yoshimura !

Une évidence : la Suzuki possède une tenue de route supérieure à celle des Kawasaki.

De manière tout aussi évidente et pour la première fois en Superbike, Pops Yoshimura démontre à tout le plateau qu'il a franchit la ligne rouge : cette Suzuki, qui tient si bien la route, n'est pas équipée de la fourche de la moto de série, mais d'une fourche Kayaba Racing, qui lui ressemble fortement.

Mais qui est interdite ! 

Le règlement du Superbike est certes permissif, mais c'est le règlement.

En outre, l'alternateur de la Suzuki a été supprimé, afin de réduire la largeur du moteur et d'améliorer la garde au sol.

La queue de vilebrequin a été raccourcie.

Ce qui est également proscrit par le règlement.

Cela n'empêche pas Mac Laughlin de frotter dans les virages jusqu'à percer son carter en fin de course. Il répand de l'huile moteur sur la piste - ce qui normalement lui vaudrait de se ranger immédiatement sur le côté - mais continue et parvient à rallier l'arrivée, en vainqueur.     

 

Malgré ces enfreintes au règlement, la victoire de Mac Laughlin est validée par les commissaires.

Elle n'est pas non plus contestée par les autres teams.

Le gentleman agreement est toujours de mise en Superbike.

Steve Mac Laughlin (83) devant Reg Pridmore (163)
Steve Mac Laughlin (83) devant Reg Pridmore (163)

 

C'est à partir de cette date que le Superbike bascule dans le "tout est permis"

 

 

Sur le podium :

Steve Mac Laughlin (83) sur Suzuki GS750-944 Racecrafters - auteur de la pole position

Cook Neilson (31), Ducati 883

Red Pridmore (163), Kawasaki 1015 Racecrafters

Autrement dit, deux motos de la même écurie, Racecrafters, mais de marques différentes ...

 

Dans cette course, Wes Cooley n'est que 14e, sa chaîne de distribution ayant cassé en fin de course. 

 

La dernière pour Wes Cooley, le titre pour Reg Pridmore

 

Riverside International Raceway, 2 Octobre 1977

 

Pour cette dernière course, les changements continuent : Yoshimura délaisse définitivement Kawasaki, avant même la fin de saison, pour se concentrer sur la préparation des Suzuki.

La marque d'Hamamatsu a déjà promis à Yoshimura de lui apporter son soutien officiel pour 1978.

 

Il y a une justice, même en Superbike.

 

Steve Mac Laughlin (83) ne réitère pas son exploit de Laguna Seca : il abandonne suite à des problèmes d'embrayage.

Mike Baldwin (186), autre prétendant à la victoire, casse la transmission de sa Moto Guzzi 850 Le Mans.

C'est finalement Wes Cooley (33) sur Kawasaki Z1 994 qui remporte enfin sa première victoire en Superbike.

Il devance Cook Neilson (31), Ducati 883 et Paul Ritter (276), Ducati 860.

17 pilotes à l'arrivée.

 

Au classement du Championnat 1977, Reg Pridmore avec 71 points (1 victoire, 3 podiums, 1 pole position), est sacré Champion pour la deuxième année.

Oui mais sur quelle moto ? Il a roulé sur BMW R90S en début de saison puis sur Kawasaki Racecrafters 1015 en fin de saison ...

Avec 68 points (1 victoire, 4 podiums), Cook Neilson (Ducati 883) est vice-champion.

Mike Baldwin (Moto Guzzi 850 Le Mans), se classe 3e avec 56 points (1 victoire, 2 podiums).

 

Au total 46 pilotes figurent au palmarès 1977.

 

1977  :  LA MOTO DE L'ANNEE

Suzuki   GS750-944   -   Steve Mac Laughlin

suzuki 76 Mc laughlin

 

 

En 1977, Pops Yoshimura tente un pari fou : réaliser une Suzuki Superbike en cours de saison, pour remplacer les vieilles "Flying" Kawasaki, en fin de développement.

La moto est issue du nouveau modèle GS 750 de la marque.

Yoshimura et son équipe parviennent à développer cette moto en moins de deux mois, pour la faire débuter en septembre, lors de la course de Laguna Seca.

La moto est rouge, aux couleurs de Yoshimura R&D of America.

Elle porte le n°83.

Son pilote Steve Mac Laughlin remporte l'épreuve : 1ère course, 1ère victoire pour Suzuki.

Pour gagner du temps, Pops Yoshimura reprend les recettes utilisées sur les Z1, pour rigidifier le cadre de la GS 750 : tubes de renforts soudés entre les berceaux en avant du moteur, sous le réservoir et derrière les carburateurs.

En outre, il chauffe le cadre afin de remonter la boucle AR, ce qui permet d’incliner à 45° les combinés amortisseurs Kayaba Racing.

Le bras oscillant est renforcé à l’aide de plaques métalliques soudées.

A l’avant, il utilise une fourche Kayaba Racing, pourtant interdite en Superbike, mais qui ressemble à s’y méprendre à la fourche de la moto de série …

De nouveaux tés de fourches sont réalisés dans le but d’augmenter la chasse et l’angle de chasse.

Les roues Morris en magnésium sont équipées d’un Michelin PZ10 tendre à l’AV et d’un slick Good Year DT1729 à l’AR.

Par manque de temps, les freins de série sont conservés.

 

Des pistons de Honda Civic

 

Sur le plan mécanique, la moto dispose d’un vilebrequin allégé, soudé et équilibré.

Des bielles spéciales sont directement fournies par l’usine (axe de piston + 1 mm).

La cylindrée est portée à 944 cc, soit 56,4 X 72 mm : c’est l’alésage maxi que peut accepter le bloc Suzuki après remplacement des chemises d'origine pour conserver un minimum de matière (2,5 mm).

Les pistons sont fournis par Moriwaki et réalisés à partir de pistons de Honda Civic. Les calottes sont échancrées pour ne pas heurter les soupapes, plus grosses de 7 mm à l’admission et de 1 mm à l’échappement. Les tiges des soupapes sont amincies de 4 mm (gain de poids : 35%).

La culasse est rabotée de 5 mm, ce qui porte le taux de compression à 11.5 à 1.

Les arbres à cames sont de fabrication spéciale.

Le calage des soupapes est assuré par des pastilles placées sous les godets. Elles sont issues du modèle Z 650 Kawasaki.

Les carburateurs sont réalésés à 30 mm.

Les échappements 4 en 2 d’origine sont dessoudés, vidés, raccourcis et remontés.

La boîte de vitesses à étagement court a été réalisée par l'usine.

Lors des premiers essais, l’embrayage ne supporte pas l’accroissement de puissance, il patine : on lui rajoute deux disques (10 au lieu de 8) et des ressorts renforcés additionnés de rondelles d'appui.

Par la suite, c’est au tour de la chaîne de distribution de sauter : on remplace le tendeur automatique d’origine par un tendeur manuel modifié.

Une fois la Suzuki fiabilisée, ses performances sont comparées à celles de la Z1 de course de 1976.

Le moteur de la GS à une course plus courte (56,4 mm) que celui de la Z1 (66 mm). Il prend 11 500 tr/mn, soit 1 000 tr/mn de plus que le moteur préparé de la Z1, et s’avère plus puissant que le bloc Kawasaki.

La moto est également plus légère et fait preuve d'une meilleure tenue de route.

Pour augmenter la garde au sol, l'alternateur est supprimé et le vilebrequin raccourci, ce qui est, là encore, interdit par le règlement de l’époque …

Le Team Racecrafters : Steve Mac Laughlin (83) sur Suzuki, Wes Cooley (33) sur Kawasaki , avec le chapeau de cow-boy, Pops Yoshimura
Le Team Racecrafters : Steve Mac Laughlin (83) sur Suzuki, Wes Cooley (33) sur Kawasaki , avec le chapeau de cow-boy, Pops Yoshimura
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1978 :  aucune victoire mais un 3e titre pour Pridmore

 

En 1978, le Championnat A.M.A. en est à sa troisième saison : il arrive à maturité.

La triche n'étant plus l'exclusivité de certaines équipes (Yoshimura ?) mais devenue la règle pour la plupart des concurrents, le règlement déjà permissif, se libéralise encore.

On ne peut pas interdire ce que l'on ne peut contrôler.

Les commissaires de l'A.M.A. reçoivent de nouvelles consignes :

- les suspensions deviennent libres pourvu qu'elles respectent le principe de la moto d'origine. BMW se voit donc refuser une nouvelle fois l'utilisation d'un mono-amortisseur, la BMW R90S de série étant équipée de deux combinés amortisseurs.

- les échappements n'ont plus l'obligation d'être d'origine : les 4 en 1 sont autorisés

- les instruments d'origine (compteurs, commodos) ne sont plus obligatoires : la plupart des motos ne sont équipées que d'un gros compte-tours et d'un coupe-circuit d'urgence.

- la selle d'origine n'est plus obligatoire

- le cadre doit rester celui de la moto d'origine. Il peut être modifié.

 

Les constructeurs commencent à sérieusement s'intéresser au Superbike.

 

BMW, par l'intermédiaire de l'importateur U.S.

Et surtout Suzuki, qui cherche à promouvoir sa toute nouvelle GS 1000 en apportant son soutien actif à Pops Yoshimura - celui-ci conserve tout de même les "vieilles" Flying Kawasaki, pour le cas où ...

Steve Mac Laughlin (83) sur Suzuki devant Wes Cooley (33) sur Kawasaki
Steve Mac Laughlin (83) sur Suzuki devant Wes Cooley (33) sur Kawasaki

Daytona International Speedway, 10 Mars 1977

Dès les essais, les nouvelles Suzuki GS 1000 cassent plusieurs moteurs.

Une faiblesse au niveau du tendeur de chaîne de distribution entraîne des casses à répétition : soupapes, bielles ...

N'ayant réalisé aucun temps de qualification, Steve Mac Laughlin (83) part en dernière position sur la grille.

Par précaution, son coéquipier, Wes Cooley (34) roule sur une Kawa de 1977 avec laquelle il réalise la pole position. Il sera contraint à l'abandon en course, et classé 32e.

Shohei Kato (204), le gendre de Pops Yoshimura, roule quant à lui sur la GS750-944 de l'année précédente - en course il abandonnera sur perte d'allumage électronique.

Steve Mac Laughlin (83) l'emporte en remontant tous ses adversaires : il roule 4 secondes au tour plus vite que le reste du plateau - 3 secondes plus vite au tour que le vainqueur de l'année précédente.

Reg Pridmore (163), qui a rejoint le Team Kawasaki Vetter, termine 2e.

John Long (36) sur BMW R90S, se classe 3e.

 

A noter : la 8e place d'un gamin de 17 ans, Freddie Spencer (147), sur une Ducati Reno Léoni.

Le Championnat Superbike s'éloigne peu à peu de l'état d'esprit de ses débuts.

La libéralisation du nouveau règlement ouvre de nouvelles perspectives aux préparateurs.

 

Tout, ou quasiment tout, est dorénavant permis, pourvu que la moto conserve sa silhouette d'origine.

 

La gagne se joue dorénavant entre professionnels, avec le soutien des usines.

Compte tenu des investissements nécessaires pour espérer la victoire, le Championnat Superbike s'éloigne progressivement de son esprit d'antan, et se rapproche de plus en plus du monde des Grand Prix.

Pops Yoshimura a acquis sa notoriété à travers le Superbike. Il surfe sur cette notoriété naissante en faisant commerce de pièces spécifiques, dédiées à la compétition.

Racecrafters est une des plus importantes enseignes de pièces détachées.

Vetter fait rouler son Team Superbike grâce à la vente en grand nombre de ses carénages adaptables pour le tourisme.

1978 marque aussi l'arrivée de Kenny Roberts en Grand Prix. L'océan qui séparait jusqu'à présent le Superbike et le Continental Circus n'est plus infranchissable. Les succès et les trois titres mondiaux successifs du pilote Yamaha, vont vite attirer les ténors du Superbike, qui va progressivement se vider de sa substance.     
1978-AMA-Champion

 

Bryar Motorspots Park, Loudon, 18 juin 1978

 

1er John Bettencourt (216) sur Suzuki GS1000

2e John Long (36) sur BMW

3e Reg Pridmore (163) sur Kawasaki Vetter

20 pilotes à l'arrivée.

 

Sears Point Raceway, Sonoma, 15 juillet 1978

 

Pole position pour Wes Cooley (34) qui ne terminera pas la course.

Victoire pour Paul Ritter (96), Ducati 900.

Reg Pridmore (163), Kawasaki Vetter temine 2e à 12 secondes.

3e place pour Harry Klinzmann (87), BMW.

14 pilotes classés.

Paul Ritter (96) sur Ducati 900
Paul Ritter (96) sur Ducati 900

 

Pocono International Raceway, 13 août 1978

 

1er Wes Cooley (34), Suzuki GS 1000. Deux semaines après avoir remporté la première édition des 8H de Suzuka avec Mike Baldwin.

2e John Fuchs (78), Honda CB 750.

3e Kurt Liebmann (15), Ducati.

14 pilotes classés.

 

Harry Klinzmann (87) sur BMW R90S
Harry Klinzmann (87) sur BMW R90S

Bryar Motorsports Park, Loudon, 3 septembre 1978

 

1ère victoire pour Harry Klinzmann (87), qui roule sur une BMW R90S préparée par le concessionnaire de San Jose, Californie.

David Emde (56), Suzuki, se classe 2e.

John Bettencourt (216), Suzuki, 3e.

15 pilotes à l'arrivée.

 

 

Laguna Seca Raceway, 10 septembre 1978

 

Victoire pour Wes Cooley (34), Suzuki GS1000.

Paul Ritter (96), Ducati, est 2e.

Stave Mac Laughlin (83), Suzuki, 3e.

20 pilotes classés.

 

 

Camouflet pour Suzuki et Yoshimura

 

Au terme de la saison, Reg Pridmore est titré pour la troisième année consécutive, pour sa première année au sein du Team Kawasaki Vetter.

Il totalise 54 points et 3 podiums.

John Long est vice-champion sur BMW R90S, avec le même nombre de points, mais seulement 2 podiums.

Paul Ritter (Ducati 900) est 3e, avec 47 points, 1 victoire, 2 podiums.

 

Malgré trois victoires en six courses, l'écurie Suzuki Yoshimura, qui faisait figure d'épouvantail en début de saison, ne place ses pilotes qu'à la 5e place, Wes Cooley (2 victoires, 2 poles), et à la 8e place, Steve Mac Laughlin (1 victoire).

  

1978  :  LA MOTO DU CHAMPION

Kawasaki Vetter  KZ1000   -  Reg Pridmore 

kawasaki-kz1000

Pour la saison 1978, Reg Pridmore, double Champion en titre, rejoint l'écurie Vetter Kawasaki.

Terminant les sept courses sur le podium, mais sans remporter une seule victoire, Pridmore est sacré Champion Superbike en fin de saison, pour la 3e année consécutive.

 

A l'âge de 39 ans, il est encore à ce jour le plus vieux pilote et l'unique anglais à avoir remporté le titre Superbike.

  

 

« Pierre wasn’t just a superb engine and chassis builder, but just the sweetest guy—quiet and friendly to everyone. He built me a wonderful racebike that season: it was fast, it handled really well and the engine was indestructible. We were really consistent that year.

Reg Pridmore

La Kawasaki Vetter est préparée par Pierre Desroches.

Elle est à l'image des Superbikes d'avant l'arrivée des usines.

Artisanale, fiable et performante.

 

D'une cylindrée de 1015 cc, le moteur développe 145 CH à la roue.

Le haut-moteur est toujours préparé par Pops Yoshimura, à partir d'une culasse de Z1000 1977.

Les soupapes sont en acier : Diam 37,5 à l'admission (36 mm d'origine), 30 mm à l'échappement.

Les arbres à cames sont des Yoshimura Bonneville.

Le bloc-cylindres provient d'une 900 Z1B de 1975.

Les pistons sont de fabrication Yoshimura, sans jupe, de 70 mm de diamètre, à deux segments.

Le taux de compression est de 11,8 à 1.

Le régime moteur maxi est de 10 500 tr/mn. 

La boîte de vitesses fournie par l'usine, est de type "close-ratio" à rapports serrés.

La pompe à huile est modifiée.

Le vilebrequin est maintenu avec un palier central renforcé et une plaque alu anti-barbotage.

L'embrayage est renforcé.

L'axe de kick, le démarreur et l'alternateur sont supprimés. 

Le plateau d'allumage comprend deux ressorts par rupteur. 

Le mécanisme d'avance automatique est supprimé, l'épaisseur du carter d'allumage est réduite d'environ 2 cm, ce qui améliore la garde au sol en courbe.

L'avance à l'allumage est de 38°.

Les bobines sont de marque Accel.  

Les carburateurs d'origine du modèle Z1000 1978, de 26 mm de diamètre, sont réalésés à 31 mm, améliorant sensiblement le débit d'essence. 

Le réservoir comprend deux robinets d'essence, un de chaque côté, afin d'assurer l'alimentation des carburateurs. Cela évite également des coupures d'essence dans les grandes courbes en fin de course. 

Le 4 en 1 est réalisé à la main par Bassani.

La colonne de direction est remplacée par une pièce usinée par Pierre Desroches. Son angle passe de 26° à 28° afin de donner plus de stabilité à la moto. Des tubes de renforts soudés sont rajoutés derrière la colonne.

Le cadre est renforcé par l'apport de tubes soudés sous le réservoir, entre les berceaux et au-dessus de l'axe de bras oscillant.

Le bras oscillant est modifié : les plaques de tôle sont remplacées par des tubes soudés. Le bras est rigidifié grâce à des manchons soudés à l'intérieur des tubes d'origine. Ces derniers sont évasés pour laisser passer le pneu large. L'axe de bras oscillant est de plus gros diamètre afin d'améliorer la rigidité entre bras oscillant et cadre.

Les fixations moteur sont redimensionnées : platines plus épaisses, vis de 10 au lieu de 8 mm, etc ...

Un tube de renfort est soudé pour trianguler le point d'ancrage supérieur de l'amortisseur.

Les amortisseurs sont des S&W montés en position inclinée à 45° afin d'améliorer leur progressivité.

Les fourreaux de fourche sont amincis par usinage.

Les tés de fourche proviennent d'une Z 650, afin de réduire la chasse.

Les roues sont des Morris magnésium : 2,75x19' à l'AV, 3,75X18 à l'AR. 

Le pneu AV est un Dunlop à structures.

Les étriers de freins AV proviennent d'une KR 750 2 temps.

Les disques AV sont de marque Harry Hunt.

L'étrier AR est d'origine, il a été largement perforé pour gagner du poids.

 

  

 

rear-wheel

 

A noter : le positionnement sur le dosseret d'un échangeur air/huile Lockhart destiné à refroidir l'huile moteur. Ce type de montage sera interdit dès la saison suivante.

 

I love where Pierre mounted that oil cooler. It looks distinctive, and is out in the airflow where it could do some good.

Craig Vetter

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La suite du récit :

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