BSA et Dick Mann gagnent à Daytona – partie 2

1971 : année inoubliable

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A la fin de la saison 1970, les motos sont renvoyées en Angleterre.

Elles sont révisées et mises à jour.

Pour la saison 1971, le changement le plus important concerne les cadres des motos destinées à Gene Romero, Paul Smart, Dick Mann et Mike Hailwood.

Ces machines bénéficient d'un tout nouveau châssis double berceau, toujours conçu par Rob North.

Sous la direction du pilote-essayeur Percy Tait, North abaisse la colonne de direction de 51 mm, augmente l'angle de 2 degrés (28° au lieu de 26°) et raccourcit les tubes de fourche.

Le moteur est déplacé vers l'avant et vers le haut d'environ 40 mm pour augmenter la charge sur l'avant.

Ces modifications ont pour conséquence de réduire l'empattement.

North choisit alors de rallonger le bras oscillant pour revenir à la valeur d'empattement initiale.

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Par opposition aux premiers châssis "highboy", ces nouveaux cadres sont appelés "lowboy".*

Rob North utilise cette fois du tube T45 d'Accles & Pollock, préféré au Reynolds 531.

De nouveaux tés de fourche sont brasés.

L'écartement entre les tubes de fourche est plus important afin de pouvoir accueillir une frein AV à double disque :

- disques en fonte de 250 mm de diamètre

- étriers Racing Lockeed

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Le carénage en trois parties est plus étroit, pour augmenter la pénétration dans l'air et améliorer le refroidissement du moteur.

Une nouvelle prise d'air avant, rapidement surnommée "boîte aux lettres", dirige l'air vers le radiateur d'huile installé derrière le nez du carénage (et non plus devant la culasse).

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Les problèmes d'allumage ont été solutionnés : la came de l'allumeur dispose dorénavant d'un roulement spécifique, elle est entraînée par un arbre fourreau depuis l'intérieur de la came d'échappement.

Les carburateurs sont des Amal Mk1 réalésés à 31 mm.

Le réservoir est positionné plus bas dans le cadre.

Il dispose de deux bouchons de ravitaillement.

Comme l'explique Dough Hele, le deuxième bouchon sert simplement à laisser sortir l'air lors du ravitaillement.

Résultat : 6 à 8 secondes pour un plein complet !

A Daytona, les motos britanniques prévoient de ne s'arrêter qu'une fois pour ravitailler (deux arrêts pour les 2 temps).

La puissance maxi passe de 81 à 84 CH à 8 250 tr/min.

La vitesse maxi théorique est de 273 km/h.

Sur la balance, la moto a perdu 16 kg.

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Cadre "lowboy" (BSA n° 4)  VS  cadre "highboy" (Triumph n° 5)

Mars 1971 : Dick Mann s'impose à Daytona

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Après avoir frôlé la victoire en 1970, l'usine BSA-Triumph veut absolument s'imposer à Daytona en 1971, course phare du championnat U.S.

Objectif sportif, et surtout commercial.

Peter Thornton, qui ne veut pas répéter l'erreur de l'année précédente, se fixe deux objectifs :

- récupérer Dick Mann (ancien pilote BSA et vainqueur de l'édition 1970 sur Honda)

- augmenter le nombre de motos officielles

Tout cela nécessite des moyens considérables : techniciens, pilotes, ingénierie, déplacements ...

De l'ordre du million de Dollars U.S.

Pete Colman, directeur sportif des équipes BSA/Triumph aux USA, est chargé des négociations avec Dick Mann.

Il lui soumet une offre irrefusable :

- un contrat de pilote officiel BSA

- l'assurance de participer à l'ensemble des courses du championnat AMA

- une large dotation de pièces détachées et de pièces spéciales pour participer en parallèle aux épreuves Flat-track.

Circonstances de la vie, Dick Mann devient à 37 ans, le pilote BSA n° 1, après 18 saisons de compétition.

Un an plus tôt, il était écarté par l'usine qui le trouvait trop vieux !

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L'usine BSA-Triumph engage dix motos à Daytona :

- 5 Triumph

- 5 BSA

Les frais sont en grande partie supportés par l'importateur américain, qui ne semble cependant pas s'en soucier outre mesure.

En plus des 6 motos ayant couru lors de l'édition 1970, 4 nouveaux exemplaires sont assemblés dans les ateliers Meriden.

Pour BSA :

- Mike Hailwood (dont la présence est fort coûteuse)

- Don Emde

- Jim Rice

- Dave Aldana

- Dick Mann

Hailwood fait figure de Superstar, pour attirer le public et la presse.

D'un point de vue commercial, il serait préférable que le gagnant soit américain.

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Triumph, une Dream Team à un million de dollars :

- Gene Romero n° 1

- Don Castro n° 5

- Tom Rockwood n° 9

- Gary Nixon n° 10

- Paul Smart n° 12

 

L'équipe BSA :

- Jim Rice n° 2

- David Aldana n° 3

- Dick Mann n° 4

- Mike Hailwood n° 20

- Don Emde n° 25

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Vainqueur de la précédente édition, l'expérimenté Dick Mann demande à l'usine de ramener le rupteur à 7 800 tr/mn (au lieu des 8 250 tr/mn initiaux).

Pour une question de fiabilité, Mann préfère rouler avec les disques fonte plutôt qu'avec les nouveaux disques recouverts d'aluminium.

Enfin, Mann délaisse les nouveaux moyeux en titane au profit des classiques moyeux en acier, plus rigides.

De l'efficacité des commissaires de l'AMA

 

Notons qu'à l'époque, l'utilisation du titane n'est pas autorisée.

Mais les contrôleurs de l'AMA se contentent de vérifier les pièces métalliques à l'aide d'un aimant, le titane utilisé dans les moyeux passant facilement inaperçu compte-tenu de l'exigüité des pièces assemblées et de la proximité des rayons en acier !

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L'armada déployée par l'usine Triumph/BSA lors de l'édition 1971 des 200 miles est impressionnante.

Démesurée ?

Pilotes, mécaniciens, surnuméraires de l'usine sont présents en nombre sur le circuit.

Ils logent dans des hôtels, mangent au restaurant, utilisent des voitures de location ... et font allégrement grimper le montant des factures imputables à l'importateur U.S.

A la même époque, les ventes de Triumph et de BSA s'effondrent.

Et rien ne peut justifier un tel niveau de dépenses ...

BSA fermera ses portes en 1973.

Triumph sera intégrée au groupe NVT avant d'arrêter sa production au début des années 80.

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Le début de course est impressionnant et résolument dangereux. A chaque virage, les pilotes se frôlent à 10 cm près.

Motocyclismo, avril  1971

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En course, Dick Mann se maintient dans le groupe de tête, cherchant surtout à préserver sa mécanique.

La course est endeuillée par les accidents de Gary Fisher sur une Honda privée et de Rusty Bradley, sur Kawasaki (chute dans le premier virage après la ligne d'arrivée).

Dès les premiers tours, Cal Rayborn sur Harley-Davidson connaît des difficultés de boîte de vitesses.

Paul Smart s'installe en tête au 5e tour.

Il est dépassé par Mike Hailwood qui conserve la tête jusqu'au 14e tour.

Au 15e tour, Hailwood se retire, soupape cassée : des flammes sortent du pot d'échappement de sa moto.

Paul Smart repasse en tête, jusqu'au 41e tour.

Il s'arrête au stand pour remplacer une bougie mais ne reprend pas la piste : soupape cassée.

A l'arrivée, les motos britanniques réalisent le triplé : Dick Mann s'impose sur la BSA n° 4, devant Gene Romero sur Triumph et Don Emde sur BSA.

Mann l'emporte à la moyenne record de 168,251 km/h, ce qui restera pour toujours la moyenne la plus élevée jamais atteinte sur l'ancien tracé.

Il s'impose aux 200 miles pour la deuxième année consécutive, au guidon de motos de deux marques différentes.

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Parmi les autres pilotes, Molloy et Findlay, sur Kawasaki, abandonnent sur casse moteur (bielle).

Carruthers sur Yamaha se classe 10e.

Sur les cinq Suzuki au départ, aucune à l'arrivée : pistons percés, boîte de vitesses bloquée, moteurs serrés ...

1971 : Dick Mann champion A.M.A. Grand National

Après sa victoire à Daytona en ouverture de la saison, Dick Mann, sur la BSA, remporte deux autres épreuves : Kent et Pocono.

Il termine deuxième à Road Atlanta et Talladega.

Ces résultats, combinés aux résultats obtenus en Flat-track, permettent à Dick Mann de remporter le titre de champion A.M.A. Grand National.

Les deuxième, troisième et quatrième places du championnat sont occupées par des pilotes équipant des moteurs trois cylindres anglais : une année inoubliable !

1972 : Fin de règne pour l'usine Triumph/BSA

A la fin de la saison 1971, Doug Hele s'adresse au conseil d'administration de Triumph-BSA : il lui semble impossible de battre les Yamaha de Grand Prix dorénavant autorisées par le nouveau règlement A.M.A.

Même si l'usine doublait le budget compétition.

Conséquence : Peter Derevall, directeur marketing du groupe, annonce une réduction du nombre de pilotes officiels soutenus par l'usine pour la saison 72.

Cela signe la fin des succès des BSA-Triumph en compétition.

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A Daytona, première course de la saison, aucune trace des escadrons BSA et Triumph des années passées.

Seul Dick Mann (champion A.M.A. 1971) est présent, avec la moto de l'année précédente.

Deux Triumph Trident sont confiées à Gene Romero et au jeune Gary Scott.

L’ambiance joyeuse des années précédentes a laissé place à une atmosphère morose.

Peu de mécaniciens anglais ont fait le voyage de Meriden à Daytona.

Doug Hele lui-même est resté en Angleterre.

Autre absence significative : Peter Thornton, grand patron de l'importateur U.S.

Face aux nombreuses Yamaha 350 deux temps, les trois cylindres anglais paraissent soudain avoir terriblement vieilli.

On leur accorde peu de chances de bien figurer en course.

Gene Romero et Gary Scott lâchent rapidement l'affaire, préférant ne pas prendre de risques.

Dick Mann, quant à lui, travaille dur et honore pleinement son contrat de pilote officiel.

Ce n'est que grâce à lui que le Groupe BSA-Triumph ne perd pas la face à Daytona en 1972.

Lors des essais, le pilote de Richmond ne parvient pas à qualifier sa moto dans le premier groupe de 30 pilotes.

Malgré un départ en fond de grille, le vieux lion ne renonce pas.

Grâce à son expérience et profitant de la moindre consommation de la Rocket 3, Mann réussit à se hisser jusqu'à la 4e position, malgré des problèmes de carburant dans la dernière partie de la course.

Au milieu de la saison 1972, le cadre Rob North est remplacé par un châssis Wenco, fabriqué en Californie.

Le Wenco est plus léger.

La colonne de direction est redressée de 1 degré.

Les difficultés rencontrées lors des essais de Daytona anticipent malheureusement une saison pleine de difficultés.

Dick Mann ne parvient à monter sur le podium dans aucune des épreuves de vitesse.

Sa seule victoire survient en Flat-track, dans l'Illinois.

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Au seuil des 40 ans, Dick Mann reçoit une dernière offre de l'usine, pour courir en 1973 sur le trois cylindres anglais.

Le groupe Triumph/BSA a réduit le budget course et Dick Mann est le seul pilote officiel.

La marque BSA ayant cessé d'exister, il lui faut courir sur l'un des derniers exemplaires de Trident restant aux USA.

Mann s'oppose à cette décision.

Il préfère la Rocket 3.

Il est convaincu qu'il a encore son mot à dire, sur certains circuits.

Il court finalement sur une BSA repeinte aux couleurs Triumph, engagée sous le nom de Trident et non plus de Rocket 3.

BSA et Dick Mann gagnent à Daytona

Découvrez tout le récit en 3 parties :

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BSA et Dick Mann gagnent à Daytona – partie 1

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BSA et Dick Mann gagnent à Daytona – partie 3

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