BSA 750 Rocket 3 story

 

B.S.A. : Birmingham Small Arms Company

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A l'origine, BSA est une coopérative d'armuriers, fondée en 1861.

1880 : la marque se diversifie dans la fabrication de bicyclettes - les  méthodes de production sont assez proches, les coûts restent maîtrisés.

1905 : premier prototype moto BSA.

1911 : présentation à Londres de la première moto BSA de série, qui connaîtra un grand succès.

Grâce à de bons choix stratégiques, l'activité moto se développe au fil des décennies.

1951 : BSA acquiert la branche moto de Triumph et devient le premier constructeur mondial de motos.

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Il faut remonter au début des années 60 pour trouver l'origine de la BSA Rocket 3.

En 1961, Bert Hopwood, ingénieur en chef, et Doug Hele, designer, travaillent au sein du service R&D de Triumph.

Ils ont en projet la création d'un nouveau moteur, dérivé du bloc équipant la Speed Twin.

Leur objectif est d'augmenter la cylindrée, tout en réduisant les vibrations inhérentes au vertical twin.

Ils ajoutent un cylindre et deux paliers de vilebrequin au bicylindre existant : leur 3 cylindres vertical, face à la route, cube d'abord 748 cc (Prototype 1,  1965) puis 740,4 cc (Prototype 2, 1966).

Les deux techniciens développent leur moteur sans le soutien du groupe BSA, propriétaire de Triumph : la haute direction considère que les investissements nécessaires à la mise en production d'un moteur 3 cylindres auront du mal à être rentabilisés.

La Bonneville est en tête des ventes en Europe.

Les BSA se vendent bien aux U.S.A.

Les dirigeants de BSA/Triumph ne voient aucune urgence à remplacer le "vieux" vertical Twin.

Edward Turner, patron de Triumph est par ailleurs très attaché aux twins.

Il ne mesure pas encore la montée en puissance des constructeurs japonais.

Le compte à rebours est pourtant enclanché : pour le constructeur britannique, il s'égrènera jusqu'en septembre 1969, date de la présentation de la CB 750 Honda.

1966 : à la suite d'un changement de direction, le groupe BSA donne le feu vert au projet "3 cylindres".

Le design est traité en externe, par le groupe Ogle Design, qui met plus d'un an pour rendre sa copie.

1968 : la production démarre, sous le patronyme "T 150", pour 150 MPH (soit 241 km/h), la vitesse de pointe "théorique" de la future grosse cylindrée.

En réalité la moto ne dépassera jamais 117 MPH (188 km/h).

A cause des luttes intestines entre les équipes Triumph et BSA, il est décidé que le nouveau modèle sera commercialisé en deux versions distinctes :

- pour le marché nord-américain, la BSA Rocket 3, avec cylindres inclinés de 15° vers l'avant, cadre double berceau, carrosserie "carrée", coloris rouge flamboyant à bandes blanches

- pour le marché européen, la Triumph Trident, avec moteur vertical, cadre simple berceau et carrosserie Aqua Marine (bleu pâle)

Dès leurs premières apparitions, la Trident comme la Rocket 3 reçoivent un accueil déplorable.

Public, concessionnaires et journalistes sont unanimes : ces motos sont particulièrement laides.

Le réservoir d'essence "carré" de la BSA est rebaptisé "shoebox tank".

Les silencieux d'échappement : "Flash Gordon" ou "Ray Gun".

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En se lançant dans le projet 3 cylindres, l'usine a commis une énorme erreur : elle n'était pas capable de concevoir un moteur moderne, avec carters moulés sous pression et boîte de vitesses, dans des limites de coûts de production maîtrisés.

Don Brown, Vice-Président du groupe BSA et Directeur des opérations américaines

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Aux Etats Unis, le différentiel de prix avec la concurrence est trop important :

- Honda CB750 : 1 275 $

- Norton 750 Commando : 1 490 $

- Triumph Trident : 1 765 $

- BSA Rocket 3 : 1 785 $

Et la Honda Four, plus attractive :

- boîte 5 vitesses (les premières Rocket 3 ont une boîte 4 vitesses)

- démarreur électrique (démarrage au kick pour la Rocket 3)

Pour booster les ventes et redorer l'image de la marque, Don Brown emmène les motos sur l'anneau de Daytona.

Au guidon de quatre Rocket 3, les pilotes embauchés pour la circonstance, Yvon Duhamel, Dick Mann et Ray Hempstead, établissent plusieurs records de vitesse et de distance :

- record AMA d'une heure à la vitesse de 127,615 mph

- record du tour à la vitesse de 131,790 mph

- record de quatre heures (à quatre pilotes) à la vitesse de 117,545 mph, arrêts aux stands compris

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Les deux distributeurs BSA aux États-Unis offrent une récompense de 25 000 $ à qui établira un nouveau record de vitesse sur le lac salé de Bonneville.

Quelques semaines plus tard, une Triumph Trident établit de nouveaux records, sur le lac salé de Bonneville.

Cela n'est pas suffisant.

Les ventes de la Honda 750 s'envolent.

Celles de la Trident et de la Rocket 3 ne décollent pas sur le marché U.S. qui représente 80 % des ventes du groupe.

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En 1971, l'usine apporte des changements esthétiques à la Rocket 3 :

- nouveau réservoir de forme arrondie

- nouveaux silencieux chromés plus conventionnels

Malheureusement, ces évolutions, arrivées tardivement, ne permettent pas à la Rocket 3 de combler son retard sur la concurrence nippone.

La BSA/Triumph 3 cylindres commercialisée en 1968 a été un échec. Ce n'est que lorsque nous sommes revenus au style d'origine qu'elle a commencé à se vendre et à générer des profits. Elle aurait dû sortir en 1963, nous avons perdu cinq années de production. Les Japonais sont devenus de plus en plus présents sur le marché et nous avons subi un  revers sévère.

Bert Hopwood, directeur de l'ingénierie du groupe NVT, 1981

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Qu'est-ce qui n'a pas marché ?

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D'une manière générale, on peut imputer cet échec à une mauvaise gestion humaine.

A tous les niveaux.

Selon la légende, Bert Hopwood et Doug Hele, les deux techniciens du service R&D de Triumph, sont comme père et fils.

En réalité, Doug Hele déteste Bert Hopwood.

Leurs différents sont fréquents.

Hele ne respecte pas le travail de Hopwood.

Durant des années, les deux techniciens continuent de revendiquer chacun de leur côté, la paternité du moteur 3 cylindres, rejetant sur l'autre ses défauts de conception.

 

Autre difficulté : les Twins sont les enfants d'Edward Turner, patron de Triumph, dont la parole fait loi au sein du groupe BSA.

La confiance aveugle placée en Turner par la haute direction du groupe BSA a sans doute constitué un handicap majeur dans le développement chaotique du 3 cylindres.

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Après le départ en retraite d'Edward Turner, en 1966, le groupe BSA est entièrement réorganisé.

Harry Sturgeon est nommé directeur général.

Ce dernier vient de la Churchill Grinding Machine Company, une autre société du groupe BSA.

Malheureusement, il ne connait rien aux motos.

Harry Sturgeon est obsédé par une chose : l'augmentation de la production.

Et à cette époque, Triumph est leader du marché.

Pour combien de temps ?

Les luttes internes au sein du groupe BSA, tout comme le désir de protéger les empires individuels prennent alors le pas sur la stratégie d'entreprise.

A une période où la concurrence japonaise est encore limitée.

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Distribution : le règne de l'irrationnel

Dans les années 60, la distribution aux U.S.A., des motos du groupe BSA est pour le moins complexe et irrationnelle :

- Triumph Baltimore, à l'est, et Triumph Los Angeles, à l'ouest, commercialisent les motos fabriquées à Meriden

- les ventes des BSA sont réparties entre BSA New Jersey, sur la côte Est, et un distributeur privé, Hap Alzina Company, basé à Oakland, Californie.

Autrement dit, les deux marques d'un même groupe sont distribuées par trois filiales et une société privée.

Et toutes se livrent entre elles à une guerre fratricide.

Face à une telle désorganisation, les constructeurs japonais n'ont qu'à se baisser pour ramasser des clients.

Et gagner des parts de marché.

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C'est d'ailleurs la concurrence interne, entre les équipes Triumph et les équipes BSA, qui conduit la haute direction du groupe BSA à commercialiser le nouveau modèle 3 cylindres sous deux marques différentes : Triumph Trident et BSA Rocket 3.

En cela, les dirigeants de BSA refusent de trancher.

Et repoussent le problème à plus tard.

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Un vent de panique souffle sur Meriden

La situation devient cathartique lorsque Harry Sturgeon reçoit une information confidentielle : Honda est sur le point de sortir une 750 cc quatre cylindres.

Le Conseil d'Administration du groupe BSA entre en mode panique.

Il tente de rattraper le temps perdu.

Il espère proposer aux distributeurs et aux revendeurs, une machine capable de rivaliser avec la future Honda.

Design : un choix discutable

A ce niveau du projet, la responsabilité du groupe Ogle Design est loin d'être négligeable.

Ogle Design met plus d'une année pour rendre son travail au groupe BSA.

Et surtout, Ogle Design s'engage dans une voie résolument "moderne" qui déroute la clientèle.

On nous a dit qu'ils (BSA) voulaient un look américain, flashy, comme une Cadillac. Nous nous sommes alors creusés la tête pour proposer des idées futuristes. Je n'aurais jamais pensé que BSA opterait pour notre silencieux évasé avec trois sorties d'échappement. Pour être honnête, en tant qu'usager, je trouvais que le prototype P2 qu'ils nous avaient confié était très bien comme ça."

Jim English, Ogle Design

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Un match perdu d'avance

Mais la responsabilité du groupe Ogle Design reste limitée.

La nouvelle BSA/Triumph souffre de nombreux handicaps :

- boîte 4 vitesses

- démarrage au kick

- freins à tambour

Si une telle machine avait été mise sur le marché en 1963, un boulevard se serait ouvert devant elle.

Mais en 1968, la BSA/Triumph triple est déjà démodée.

Avant même son lancement.

Circonstances atténuantes

Des deux machines proposées par le groupe BSA, la Rocket 3 est déjà à l'époque plus appréciée que la Trident.

Le coloris "rouge flamboyant", l'inclinaison des cylindres confèrent à la BSA une allure plus sportive que son alter ego Triumph à cylindres verticaux.

En outre, le cadre double berceau de la BSA s'avère plus moderne et plus efficace que son homologue de Meriden.

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Un prix de vente prohibitif

En 1968, le salaire annuel moyen d'un ouvrier qualifié U.S. est d'environ 5 000 $.

Vendue 1 785 $, la Rocket 3 représente quatre mois de salaire.

Et à ce prix, vous avez une moto au look dépassé, à la qualité de fabrication aléatoire, qui va en plus vous coûter cher en entretien ...

En contrepartie, vous avez la (maigre) satisfaction de piloter la moto de série la plus rapide de son époque.

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La Rocket 3 en collection

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Avec les années, la Rocket 3 est devenue une machine éminemment sympathique à collectionner.

Rare, voire très rare en excellent état, la BSA Triple est aussi recherchée qu'une MV Agusta America ou une Münch Mammuth.

Beaucoup moins chère.

Nettement plus utilisable.

Ses défauts d'hier la rendent attachante :

- boîte 4 vitesses

- démarrage au kick

- look décalé

Le souffle de son moteur et l'agilité de sa partie-cycle lui permettent de circuler en toute sécurité, au sein du trafic des véhicules actuels.

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La Rocket 3 de James Bond

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Lors du tournage du film "Au service secret de Sa Majesté", l'acteur George Lazenby, qui incarne James Bond, utilise sa Rocket III personnelle pour se rendre quotidiennement aux studios Pinewood.

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Passionné de moto, Lazenby a acquis l'une des premières Rocket III disponible en concession.

Par la suite, Lazenby se sépare de sa BSA.

Le propriétaire suivant l'utilise avec un side-car.

Dans les années 2000, elle fait l'objet d'une restauration complète : moteur, transmission, peinture, chromes ...

À cette époque, le BSA Owners Club est contacté et confirme qu'il s'agit bien de la moto ayant appartenu à Lazenby !

 

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