Benelli 750 Sei

La 750 Sei a un style et une maniabilité incroyables, un bruit comparable à celui d'une Ferrari V 12, un prix de vente trop élevé et des commodos indignes ...

Cycle World, 1974

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La Benelli 750 Sei occupe une place à part dans la production motocycliste.

Typiquement italienne.

Elégante, sophistiquée et onéreuse ...

La 750 Sei n'est pas la plus rapide des Superbikes des années 70.

Mais c'est une moto homogène, maniable et polyvalente, capable d'accélérations soutenues.

Et surtout, elle est dotée d'un moteur 6 cylindres.

Et de 6 pots d'échappement chromés.

La 750 Sei, c'est avant tout un moteur.

Et un son !

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Un moteur inspiré de la Honda 500

En 1971, l'industriel italo-argentin Alejandro De Tomaso acquiert Benelli et Moto Guzzi.

Deux marques italiennes historiques et prestigieuses, dont l'avenir est mis à mal par la concurrence nippone.

De Tomaso prévoit d'aller chercher les constructeurs japonais sur leur terrain : copier leurs modèles les plus réussis, faire encore plus et mieux.

Une stratégie similaire à celle suivie par les marques japonaises, au lendemain de la deuxième guerre mondiale : s'inspirer des Jawa et CZ tchécoslovaques pour produire des 2 temps, des Triumph et Norton britanniques pour les 4 temps.

Laverda n'a pas agi autrement en s'inspirant de la Honda CB 77 pour produire ses twins 650 cc et 750 cc, à la fin des années 60.

De Tomaso envisage la production d'une dizaine de nouveaux modèles, avec un haut de gamme : la Benelli 750 Sei.

Pour gagner du temps, De Tomaso demande à ses ingénieurs de se baser sur le moteur de la Honda CB 500.

Mais sans que cela ne se voit trop ...

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Le design de la Sei est confié à Paolo Martin, responsable chez Ghia - également sous contrôle de De Tomaso.

Veglia Borletti réalise l'instrumentation.

Pirelli, Brembo et Marzocchi sont directement impliqués dans l'aventure.

La conception du moteur est dirigée par Piero Prampololini - celui-ci réalisera également le quatre cylindres 500 cc.

Compte-tenu de l'inexpérience de l'usine, comme de l'industrie italienne en matière de multicylindres, on peut considérer le 6 cylindres Benelli imaginé par Prampolini, comme un véritable chef-d'oeuvre.

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Le prototype présenté au public

La 750 Sei est présentée au Salon de Bologne, à l'automne 1972.

C'est la première moto de série dotée d'un moteur 6 cylindres - il faudra attendre plusieurs années pour compléter ce club des 6 : Honda 1000 CBX, Kawasaki Z 1300, Honda GL 1500, BMW K1600 ...

La 750 Sei suscite un énorme engouement auprès du public et de la presse spécialisée.

Effet d'annonce.

La moto n'en est encore qu'au stade du prototype.

Loin de la mise en production.

Encore plus loin de la commercialisation.

Qu'importe : les commandes affluent.

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Mise en production compliquée

La mise au point de la 750 Sei nécessite deux années supplémentaires.

L'usine fait face à de nombreux problèmes :

- les italiens n'ont aucune expérience en matière de multicylindres

- la nouvelle usine construite à Chiusa di Ginestreto (Benelli) est moderne et dimensionnée, mais les sous-traitants (Ubbiali, Lomas, Anderson, Lorenzetti) ne sont pas au niveau : moyens obsolètes, capacités de production insuffisantes

- pour des raisons de coût, la production des moteurs est délocalisée à Mandello (Moto Guzzi). Les ouvriers de Moto Guzzi renâclent à fabriquer des moteurs pour un modèle assemblé à Pesaro et vendu sous la marque Benelli

- l'usine de Mandello ne dispose pas de l'outillage moderne nécessaire à la fabrication des boîtes de vitesses : pignons et fourchettes de boîte sont réalisées dans un acier au plomb de qualité insuffisante. Les pièces s'usent prématurément, les boîtes se bloquent ou cassent.

- le traitement au chrome des culbuteurs, de qualité médiocre, se désagrège, entraînant la destruction des arbres à cames

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Commercialisation tardive

La 750 Sei est commercialisée en 1974.

Un peu tard pour le public et les acheteurs qui s'impatientent.

Trop tôt pour l'usine qui n'a pas résolu tous les problèmes techniques.

La 750 Sei souffre d'innombrables défauts de jeunesse, qui contribueront à lui donner une image négative.

La plupart des premiers modèles seront rappelés en usine.

Les clients se plaignent de nombreux désordres :

- usure prématurée de la chaîne de transmission

- consommation d'huile excessive

- fuites au niveau des cylindres

- bruits mécaniques importants au ralenti

- boisseaux de carburateurs bloqués en position levée

- bouchon de réservoir d'essence fuyard

- équipement électrique inadapté

L'ensemble de ces défauts sera corrigé à partir de la 2e version.

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Echec commercial

La 750 Sei atteint 185 km/h en vitesse de pointe (contre 183 km/h pour la Honda CB 750).

Le 400 m D.A. est couvert en 13" (contre 13"15 pour la Honda).

Seule la Kawasaki 900 Z1 reste intouchable : 213 km/h et 12"15 au 400 m D.A.

Quant au prix :

- 2 471 950 Lires pour la 750 Sei

- 1 816 100 Lires pour la CB 750

- 2 366 000 Lires pour la 900 Z1

Plus fiable et plus performante.

C'est peu dire que la 750 Sei ne rencontre pas le succès espéré par Alejandro De Tomaso.

La 750 Sei est fabriquée durant quatre années :

- 1974 : 293 exemplaires

- 1975 : 1 479 exemplaires (dont 230 vendus aux U.S.A.)

L'usine tourne à pleine capacité de production, mais doit supporter un nombre important d'invendus en fin d'année.

- 1976 : 1 145 exemplaires (dont 883 vendus aux U.S.A.)

- 1977 : 283 exemplaires

Le total de la production s'établit à 3 200 unités.

Trop peu pour espérer concurrencer les marques japonaises dont la production, par modèle, se chiffre en centaines de milliers d'unités.

Et dont la fiabilité est irréprochable.

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1989 : clap de fin pour Benelli

En outre, Benelli souffre d'un médiocre réseau de distribution.

En France, la marque est distribuée par Motobécane, dont les concessionnaires sont plus enclins à vendre et à entretenir des cyclos que des grosses cylindrées.

Seule une centaine de 750 Sei trouvera preneur dans l'hexagone.

Le problème se répète dans de nombreux pays.

A partir de 1979, la 750 est remplacée par une 900, au design plus moderne et dotée d'un carénage tête de fourche.

La 900 Sei reste au catalogue jusqu'en 1987.

Sa diffusion demeure confidentielle, avec 1 808 exemplaires produits.

Alejandro De Tomaso ne rencontre pas le succès escompté avec les autres modèles du groupe, de plus faible cylindrée.

En 1988, Benelli est à l'agonie : production presque supprimée, bureaux techniques et commerciaux démantelés, licenciements massifs.

Le 23 octobre 1989, la marque est cédée à Giancarlo Selci, ancien ouvrier devenu propriétaire du groupe Biesse, basé à Pesaro.

En 1995, le groupe Merloni de Fabriano, prend le contrôle de Benelli et relance la marque avec de nouveaux modèles : scooter 491, 900 cc 3 cylindres Tornado, TnT 1130 cc.

Depuis décembre 2005, Benelli fait partie du groupe chinois Qianjiang qui poursuit la production de grosses cylindrées.

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Moteur : le chef-d'oeuvre de Prampolini

Dans sa version 750 cc, le 6 cylindres Benelli revendique 71 CH à 8 900 tr/mn.

Il s'inspire de la Honda CB 500, dont il reprend les côtes : 56 x 50,6 mm.

Autres similitudes :

- arbre à cames en tête entraîné par une chaîne placée au centre du moteur

- bielles assemblées avec têtes de bielle simples

- entraînement primaire par chaîne Hy-Vo

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A la différence de la CB, l'alternateur est positionné derrière les cylindres, afin de ne pas augmenter encore la largeur, fort respectable, du moteur.

Bien qu'à l'origine la 750 Sei ait été conçue avec 6 carburateurs, le modèle définitif est alimenté par 3 carburateurs Dell'Orto VHB24D, de 24 mm de diamètre : chaque carbu alimente 2 cylindres à travers une pipe en Y.

Cette solution permet de réduire la largeur au niveau des genoux du pilote.

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Une partie-cycle classique

Le cadre est de type tubulaire à double berceau (renforcé à partir de 1976).

La fourche, de marque Marzzochi, avec tubes de 38 mm de diamètre.

Les amortisseurs sont, soit des Marzzochi, soit des Sebac.

La 750 Sei est la première moto de série équipée de freins Brembo.

A l'AV :

- étriers P08

- disques fonte, diamètre 280 mm (1ère version) ou 300 mm (2e version)

A l'AR, tambour simple came de 200 mm de diamètre.

Les jantes sont des Borrani en alu.

La Benelli 750 Sei pèse 235 kg à sec (255 kg tous pleins faits).

La capacité du réservoir est de 23 L.

Une instrumentation déroutante

Le tableau de bord de la 750 Sei est original à plus d'un titre.

Son esthétique est discutable quoique représentative des productions des designers italiens des années 70.

Les compteurs sont réalisés par Veglia - plus connu en France pour avoir équipé des générations de Mobylette et de Renault.

Les coloris des voyants situés au centre ne sont pas normalisés :

- N : point mort (orange)

- GEN : charge (rouge)

- L :

- OIL : pression d'huile (rouge)

- H : phare (bleu)

Quant aux voyants de clignotants, ceux-ci sont renvoyés dans les coins, via de petites flèches bien peu lisibles.

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Les commodos, qualifiés d'indignes par Cycle World en 1974, sont de nos jours de véritables reliques, d'une autre époque.

Ils sont rares en bon état et participent de la qualité de restauration d'une 750 Sei.

A gauche, l'inverseur code/phare dispose d'un système de verrouillage qui se fragilise avec les années :

- la montée jusqu'en plein phare est libre

- le retour jusqu'à la position OFF est conditionné par le bouton de déverrouillage

A droite, le maître-cylindre, original et atypique, est souvent remplacé par un maître-cylindre Brembo plus moderne.

Ce n'est pas le cas sur notre moto.

La 750 Sei : un collector

De nos jours, c'est bien la 750 Sei - plus que la 900 Sei - que les collectionneurs tiennent en haute estime.

Les modèles en bon état sont rares.

En pièces d'origine, extrêmement rares.

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Cette 750 Sei est une 2e série de 1976 :

- disques 300 mm

- contacteur principal au tableau de bord

- boîte de vitesses à 5 crabots (arbre primaire), 6 crabots (arbre secondaire)

La moto totalise 35 543 km d'origine.

Elle a fait l'objet d'une restauration partie-cycle, moteur et carrosserie en atelier spécialisé.

Bien à l'abri au sein d'une collection remarquable, la moto est utilisée occasionnellement.

Sous le soleil exactement ...

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