Quand on sait pas, on fait pas …

Au départ, cette 900 Z1 est arrivée pour un problème de fuite d'huile au niveau du haut moteur.
Moteur tournant, l'huile s'écoulait à l’arrière des cylindres, à la hauteur du joint de culasse (juste au-dessus du tendeur de chaîne de distribution).
A chaud, le suintement d'huile dégageait une inquiétante fumée qui remontait de part et d'autre du réservoir.

Essai routier : fuites à tous les étages
En essai routier, la fuite d'huile au niveau du joint de culasse était suffisamment importante pour souiller les bottes du pilote et les échappements.
Mais elle n'était pas la seule :
- autre fuite, du côté gauche, au niveau du carter de pignon de sortie de boîte
- dernière fuite, au droit du carter d'alternateur
Autres constatations :
- le haut moteur était particulièrement bruyant
- l'embrayage était anormalement dur et peu progressif

L'ancien propriétaire avait fait restaurer le moteur ...
La moto a été acquise il y a deux ans, auprès d'un particulier.
Lors de la vente, celui-ci a certifié que le moteur avait été restauré.
Par un mécanicien professionnel.
Depuis son achat, le propriétaire actuel a peu roulé : environ 700 km.
Il a pris le temps de l'équiper de nombreuses pièces neuves :
- carrosserie
- selle
- pots d'échappements chromés
- jantes chromées + rayons
- pneumatiques Dunlop TT100 K81
- compteurs (restaurés) + tableau de bord
- commodos + rétroviseurs
- guidon + poignées
- clignotants
- garde-boue AV et AR
- maître-cylindre + étriers + durits
- amortisseurs IKON
- transmission secondaire
etc ...
Ce qui a représenté un budget conséquent, venu s'ajouter au prix d'achat de la moto.
Normalement, il pensait en avoir fini avec les dépenses.
Normalement ...



Compte tenu des premiers désordres constatés, il est nécessaire d'effectuer des investigations afin de connaître l'origine de ces problèmes mécaniques.
Premières vérifications ...
Avant d'engager tout démontage, il est possible d'effectuer quelques vérifications de base :
1° tension chaîne de distribution :
La chaîne de distribution est fortement détendue, elle nécessite d'être retendue.
2° jeu aux soupapes :
La dépose du couvre A.A.C. permet de constater :
- arbres à cames non d’origine
- couple de serrage des vis de paliers d’arbres à cames insuffisant
- plusieurs pas de vis arrachés (au niveau des paliers d’arbres à cames)
- queues de soupapes meulées à la disqueuse
- godets usinés en désaffleurement des pastilles de calage
En outre, certaines pastilles ont une épaisseur inférieure à 2 mm.
En général, les pastilles ont une épaisseur comprise entre 2,35 mm et 2,60 mm.
3° pression d'huile moteur :
Un manomètre raccordé au moteur permet de relever les valeurs de pression d’huile suivantes :
- 0,8 kg/cm² au régime moteur de 3000 trs/mn
- 1,2 kg/cm² au régime moteur de 4000 trs/mn
Selon le manuel d’atelier du constructeur, la pression d’huile devrait s'établir à 2,0 kg/cm² au régime moteur de 4 000 trs/mn.
On est donc très en deçà des valeurs de pression d'huile préconisées par le constructeur.


... et premières surprises !
Ces vérifications laissent augurer des désordres plus importants.
Et surtout, ce moteur semble avoir été remonté de bric et de broc.
Par un pro ?
Certains godets ont été usinés dans le but d'utiliser des pastilles de calage d'une épaisseur inférieure à 2 mm.
Conséquences : les pastilles sont plus hautes que le bord du godet ; à haut régime, elles risquent de sauter de leur logement et provoquer une casse moteur.


Certaines queues de soupapes ont été meulées à la disqueuse.
Là encore, dans le but de diminuer la hauteur de l'ensemble (soupape + godet + pastille) et d'utiliser des pastilles de calage les plus fines possibles.
Circonstance aggravante : le meulage a été effectué soupapes en place et la disqueuse a endommagé le bord supérieur des coupelles et des clavettes.

Queue meulée à la disqueuse

Queue normale
Culasse : joint de culasse trop petit
Devant ces premiers désordres, il est nécessaire de procéder à la dépose du haut moteur : culasse et bloc-cylindres.
Nouveaux désordres :
- 2 pas de vis arrachés (au niveau des vis de fixation de 6 mm situées aux extrémités du bloc-cylindres)
- joint torique de puits de chaîne de distribution déformé et mal remonté, avec abondance de pâte à joint
- silentblocs de roulettes de distribution cassés
- joint de culasse diamètre 68,13 mm installé sur un bloc-cylindres réalésé à 70 mm (les pistons viennent taper sur le joint de culasse débordant à l'intérieur des chemises)
- coloration différente au niveau des calottes des pistons : pistons n° 4 "lessivé" du fait des remontées d’huile du bas moteur à travers les segments



La culasse elle-même appelle quelques remarques :
- les 4 puits de bougies sont équipés d'inserts mal positionnés, débouchant dans les calottes
- la culasse a été microbillée, conduits non protégés (risque de microbille dans le moteur)
- la culasse a été ressoudée au niveau d’un goujon d’échappement (cylindre n° 4)
- les guides de soupapes sont mal positionnés : d'où le meulage des queues de soupapes, l'usinage des godets et les pastilles de calage trop fines
- les joints de queues de soupapes sont à remplacer
- plusieurs soupapes (queues meulées à la disqueuse) sont à remplacer
- plusieurs godets (usinés) sont à remplacer
- les pas de vis des paliers d'arbres à cames sont à restaurer et nécessitent la pose d'inserts




En l'état, la culasse est réutilisable mais elle doit être entièrement reconditionnée.
Bloc-cylindres & pistons : réalésage trop grand
Après dépose du bloc-cylindres et des pistons, le jeu entre chemises et pistons est contrôlé :
- cylindre n° 1 : 0,13 mm
- cylindre n° 2 : 0,13 mm
- cylindre n° 3 : 0,12 mm
- cylindre n° 4 : 0,11 mm
Selon le manuel d’atelier du constructeur :
- le jeu pistons/chemises devrait être de 0,045 mm
- au-delà de 0,075 mm de jeu, l'ensemble pistons/chemises est hors côte.
Conséquence : le jeu pistons/chemises est beaucoup trop important.
Les segments ne permettent pas d'assurer une bonne étanchéité.
L'huile remonte du bas moteur, comme en témoigne la calotte "lessivée" du piston n° 4.


Le bloc-cylindres est siglé 903 cc.
Le diamètre d'origine des chemises était de 66 mm.
Les chemises de ce bloc-cylindres ont été réalésées à 70 mm, c'est à dire au-delà des limites préconisées par le constructeur.
Conséquences :
- l'épaisseur des chemises est passée de 4 mm à l'origine à moins de 2 mm
- à l'utilisation, les chemises trop fines risquent de s'ovaliser dans leur partie basse, voire de casser net
- en cas de déformation des chemises, l'étanchéité n'est plus assurée par les segments, ce qui entraîne une forte consommation d'huile

Compte tenu du diamètre existant des chemises (70 mm) et de leur extrême finesse (moins de 2 mm), le bloc-cylindres n'est pas réutilisable.
Bas moteur: des axes de fixation à l'agonie
La liste des désordres constatés s'allongeant au fur et à mesure des investigations, il est décidé de déposer et d'ouvrir le bas moteur.
Le mauvais état des pas de vis des axes de fixation du moteur vient compliquer l'opération.
Comme toutes ces motos âgées de 50 ans et plus, cette Z1 a été démontée et remontée à plusieurs reprises.
Les pas de vis des axes de fixation moteur sont plus qu'usés.
En outre, ils ont été remontés avec des écrous M10 au lieu des écrous d'origine au pas resserré.
Les écrous tournent à vide sur les axes, il est nécessaire de chasser les axes au jet et au maillet pour parvenir à dévisser les écrous.
Les axes de fixation moteur ne seront pas réutilisés lors du remontage.


A l’utilisation, nous avions constaté que la commande d’embrayage de la moto était anormalement dure et peu progressive.
La dépose du carter d’embrayage permet de vérifier l'état des pièces de l'embrayage :
- les disques garnis sont neufs
- les ressorts et les vis ne sont pas d’origine (mal adaptés)
- des cales de 1,4 mm d'épaisseur ont été rajoutées au niveau des ressorts
De plus, l'escargot agissant sur la tige d'embrayage était mal monté : au lieu de former un angle droit avec le câble d'embrayage, pour avoir un maximum de bras de levier, l'escargot était positionné avec un angle fermé (moins de bras de levier, moins de progressivité).


La dépose du bas moteur met en évidence d'autres surprises.

Le contacteur de point mort en plastique est fendu et fuyard.

Une vis de fixation du démarreur est cassée dans son logement.
Elle doit être extraite pour déposer le démarreur.

Dépôts métalliques en sous-face de la crépine de pompe à huile.
Le carter d’huile inférieur est légèrement souillé.
Quelques dépôts métalliques en fond de carter.

Pompe à huile : souillée et hors-côte
La pompe à huile n’est fixée que par 2 vis (au lieu de 3 vis à l'origine).
Il ne s’agit pas d'une pompe de Z1 mais d’une pompe de Z 1000, reconnaissable à son clapet de décharge.
Une fois la pompe à huile démontée, on constate plusieurs désordres :
- joint ancien et fuyard (en 2 endroits)
- corps de pompe souillé et obstrué
- jeu trop important entre roue crantée et corps de pompe
Selon le manuel d’atelier du constructeur, le jeu entre la roue crantée et le corps de pompe ne doit pas excéder 0,036 mm.
Le jeu constaté est de 0,075 mm.
En outre, le corps de la pompe à huile est fortement marqué au droit de la roue crantée : des rayures laissées par la limaille aspirée par la pompe à huile.



Du fait du jeu trop important entre les roues crantées et le corps de la pompe à huile, celle-ci n'est pas réutilisable.
Vilebrequin & boîte de vitesses

Le carter moteur inférieur est déposé afin de vérifier l'état de la boîte de vitesses et du vilebrequin.
Le vilebrequin n’est pas d’origine : il est "orné" d'un idéogramme et correspond à un modèle plus ancien (Z1 1972).
Il présente une corrosion "fleur de rouille".
Les roulements sont marqués.
La flèche, d’une extrémité à l’autre du vilebrequin, est de 0,05 mm.
Selon le manuel d’atelier du constructeur, la flèche doit être comprise entre 0,04 mm et 0,07 mm.
Le vilebrequin doit être décapé, mais il est réutilisable.



La boîte de vitesses ne présente pas de désordre.
Les ressorts d'amortisseur de la cloche d'embrayage sont en bon état.
Premières conclusions
1° la fuite d'huile au niveau du haut moteur était due à l'utilisation d'un joint torique de puits de chaîne déformé, mal positionné et remonté avec abondance de pâte à joint
2° la fuite d'huile, côté gauche, était principalment due au capteur de point mort fendu
3° la faible pression d’huile était due au mauvais état de la pompe à huile
4° le démontage du couvre A.A.C. a permis de mettre en évidence des désordres importants qui auraient pu entraîner une casse moteur :
- queues de soupapes meulées à la disqueuse
- godets usinés : risque d’éjection des pastilles
- paliers d’arbres à cames non serrés
5° le démontage du haut moteur a permis de constater des désordres importants dus à un mauvais remontage du moteur :
- joint de culasse trop petit
- alésage des cylindres trop important (par rapport aux pistons utilisés)
- silentblocs de distribution HS
Remontage moteur
Les demi-carters moteurs (supérieur et inférieur) sont démontés et nettoyés à haute pression.
Le vilebrequin est décapé avant d'être réinstallé avec une chaîne de distribution neuve.
La boîte de vitesses est remise en place après contrôle de l'état des fourchettes, de la pignonerie, des orifices de lubrification et des portées de roulements.
Le bas moteur est refermé.
L'ajustement des plans de joints au droit des demi-carters moteur nécessite une finition soignée afin d'éviter tout désaffleurement (ou marche d'escalier) au niveau des carters latéraux, ce qui provoquerait une fuite d'huile moteur.


Une pompe à huile en bon état est remontée avec un joint neuf.
Par sécurité, la grosse vis à l'arrière du corps de pompe est scellée à la résine époxy.


La cloche d'embrayage est remontée avec des pièces neuves :
- disques garnis
- ressorts
Les disques lisses sont nettoyés et conservés.
Les anciennes cales d'épaisseur ne sont pas réutilisées.



Le bloc-cylindres est remplacé par un bloc-cylindres de Z1 1ère génération microbillé et réalésé pour recevoir des pistons neufs : diamètre 67 mm.

Autres pièces neuves :
- segments
- axes
- clips
Le réalésage a été effectué en passes croisées dont les marques s'effaceront progressivement lors du rodage du moteur (500 kilomètres).
Conformément aux préconisations du constructeur, le jeu piston/chemise est de 0,045 mm à 0,050 mm.
Le plan de joint du bloc-cylindres a été rectifié.

Après réalésage, l'épaisseur des chemises est encore de 4 mm.
C'est suffisant pour éviter toute déformation à température de fonctionnement du moteur.


Le nouveau bloc-cylindres est bien siglé 903 cc.

Les pistons ont été appairés par rapport aux chemises et numérotés de 1 à 4.
Ils sont mis en place sur les bielles avec segments, axes et clips neufs.
La chaîne de distribution est en attente sur la roulette inférieure.
Un joint d'embase neuf est installé.
Le bloc-cylindres est positionné avec son patin.

La culasse a été reconditionnée :
- rectification plan de joint de culasse
- rectification sièges de soupapes
- soupapes neuves
- guides neufs
- joints de queues de soupapes neufs
- coussinets neufs
Les guides ont été positionnés pour pouvoir utiliser des pastilles d'épaisseur normale : de 2,35 mm à 2,60 mm.

Les pas de vis des paliers d'A.A.C. ont été restaurés avec la pose d'inserts.
Des vis plus longues de 5 mm sont utilisées au remontage.
Le pastillage est réalisé sur l'établi.
Les pastilles de calage sont dorénavant entre 2,30 mm et 2,45 mm d'épaisseur.
La chaîne et les pièces de guidage de la distribution sont neuves :
- axes + roulettes (lisse et crantées)
- patin
- silentblocs
- bras tendeur articulé


L'ensemble du moteur est remonté avec des joints neufs.
Les plans de joints des carters périphériques sont contrôlés au marbre et rectifiés à la pierre afin d'obtenir une planéité parfaite.
Les coussinets et les anciens godets usinés ont été remplacés.
Les arbres à cames existants (non d'origine) sont remis en place.
Leur levée et leur temps d'ouverture sont légèrement plus importants qu'à l'origine.
L'ensemble du moteur est remonté avec des joints neufs.


Une attention particulière est portée au passage des fils d'alternateur, souvent fuyard sur les Z1 : la filerie est traitée à la colle rapide côté intérieur et à la résine époxy à l'extérieur du domino en caoutchouc.
De cette manière, l'huile ne s'infiltrera plus à travers la gaine tressée.

Les pipes d'admission sont neuves.
Elles sont remontées avec des vis cruciformes neuves.


Les joints spis sont neufs :
- axe de pignon de sortie de boîte
- tige d'embrayage
- axe de sélecteur
La moto est équipée d'un allumage électronique.

Les tubes des berceaux du cadre sont protégés avec des chiffons épais pour préserver la peinture noire.
Le moteur restauré est prêt à être repositionné.


La remise en route du moteur s'effectue selon une procédure spécifique :
- filtre à huile neuf d'origine Kawa, avec ressort et rondelle de calage
- huile moteur Motul, indice 10W50

La montée en pression du circuit d'huile moteur s'effectue en actionnant le démarreur, par séquences de 10 secondes maxi, jusqu'à ce que le voyant d'huile (rouge) s'éteigne.
Cette opération s'effectue :
- bougies démontées (pour ne pas avoir de compression)
- alimentation bobines débranchée (pour éviter d'endommager l'allumage électronique)

Les bougies et le fil d'alimentation des bobines sont remis en place.
Un nourrice d'essence est installée au-dessus de la moto.
Le moteur démarre dès la première sollicitation :
- pas de bruit suspect
- pas de fumée aux échappements
Le ralenti s'établit à 900 trs/mn.
Plusieurs séquences statiques de ùmise en route du moteur sont nécessaires afin de vérifier le fonctionnement de tous les équipements :
- synchro des carbus
- charge de l'alternateur
- passage des vitesses
- voyant de point mort
Etc ...
Le moteur prend ainsi sa température de fonctionnement normale.
Une fois la température redescendue, la culasse est resserrée.

La moto peut prendre la route.
Le moteur nécessite maintenant un vrai rodage, pendant 500 km.
Sans dépasser 4 000 trs/mn, au début.
Au terme du rodage, une vidange complète devra être effectuée afin d'évacuer les derniers résidus.
KB Style
Tous droits réservés (texte & photos)