Les années 80

 

"Choisir une moto est un acte passionné.

Accessoirement elle peut vous conduire d'un point à un autre."

Guido Bettiol

 

Fin des années 60.

La décennie qui s’achève a permis aux constructeurs japonais  de s’installer en tête des ventes du marché mondial de la moto.

Forts de leur expérience en compétition, les quatre Grands japonais (Honda, Yamaha, Suzuki et Kawasaki) proposent des motos performantes, fiables et peu onéreuses.

D’abord inspirée des machines anglaises, la production nippone se démarque peu à peu, empruntant ses processus de fabrication à la construction automobile.

La moto ne s’adresse plus à un public d’initiés, elle vise le plus grand nombre.

La présentation de la CB 750 Honda, en octobre 1968, constitue le point d’orgue des sixties.

Elle indique la voie aux constructeurs comme aux utilisateurs.

 

Début des années 70.

La décennie qui s’annonce doit permettre aux constructeurs japonais d’asseoir leur suprématie sur le marché mondial de la moto.

Ceux-ci s’engagent dans une véritable course à la performance :

- CB 750 Honda 1969 : 67 CH, 226 kg, 198 km/h

- Kawasaki 750 H2 Mach IV 1971 : 74 CH, 192 kg, 192 km/h

- Kawasaki 900 Z1 1972 : 81 CH, 230 kg, 217 km/h

 

En 1975, Honda présente la GL 1000 (78 CH, 273 kg, 178 km/h) dont la conception mécanique relève des techniques automobiles.

Mais après une période de répit, Honda va vite revenir dans la course à la puissance.

A la fin de la décennie, les quatre Grands japonais sont tous présents sur le segment des Superstars qui tire vers le haut le reste de leurs gammes :

- 1100 XS Yamaha : 95 CH, 258 kg, 202 km/h

- 1000 GS Suzuki : 90 CH , 232 kg, 221 km/h

- 1000 Z1R Kawasaki : 94 CH, 246 kg, 220 km/h

- 1000 "six" CBX Honda : 105 CH, 247 kg, 218 km/h

annees80

Les mécaniques sont de plus en plus élaborées :

- les bicylindres des années 60 ont fait place à des moteurs à 4 puis à 6 cylindres

- leurs cylindrées sont de plus en plus importantes : 750 cc, 900 cc, 1000 cc, 1100 cc puis 1300cc

- leurs performances ne cessent de progresser  : 83 CH/L (CB 750 Honda), 89 CH/L (Kawasaki 900 Z1), 105 CH/L (Honda 1000 CBX)

 

Deux chiffres polarisent l'attention des acheteurs : puissance et vitesse maxi !

 

La conjugaison d’événements plus ou moins prévisibles va toutefois enrayer cette marche en avant et contraindre les constructeurs nippons à revoir leur stratégie :

- deux chocs pétroliers successifs :

1° d’octobre 1973 à mars 1974, le prix du baril de brut est quadruplé, passant de 2,59 à 11,65 $ US

2° de septembre 1978 à l’automne 1979, le prix du baril est triplé, passant de 13 à 40 $ US

- la chute du dollar US :

De février 1973, date à laquelle le dollar est dévalué de 10 %, à 1979, le dollar US perd 50 % de sa valeur (par rapport au Deutsche Mark)

- l’entrée en vigueur de normes antipollution aux U.S.A. :

Initialement programmée pour le 1er janvier 1974, la date d’application des nouvelles normes environnementales est repoussée au 1er janvier 1976, pour cause de choc pétrolier.

 

Début des années 80.

Tout laisse encore penser que les quatre Grands japonais vont enfin toucher les dividendes de cette politique du "toujours plus" :

- les ventes explosent aux U.S.A., en Europe et même sur le marché domestique Japonais

- en 1980, Yamaha affiche une une production annuelle de 2 029 244 unités. La marque aux diapasons se rapproche de Honda, premier constructeur mondial avec 2 578 321 unités.

A cette époque, Yamaha fait feu de tout bois, en présentant notamment un 2 temps aussi sportif que déraisonnable : la 350 RDLC.

- troisième constructeur à l’échelon mondial, Suzuki est loin derrière ses concurrents avec 1 350 963 unités.

- Kawasaki, quatrième constructeur japonais à s’être lancé dans la production motocycliste plus de 20 ans auparavant, fait encore figure de petit constructeur avec 475 996 unités produites - ce chiffre représentera pourtant le record de production de la marque.

Le groupe K.H.I. est par ailleurs un géant industriel, c’est le seul constructeur nippon de 2 roues à ne pas être inféodé à une marque automobile.

 

L'escalade continue :

 

En 1981, Honda propose une version CBX 1000 Pro-Link techniquement plus élaborée et mieux équipée que sa devancière.

 

 

HONDA CBX 1000 Pro-Link : 98 CH, 277 kg, 204 km/h
SUZUKI GSX 1100S Katana : 111 CH, 232 kg, 220 km/h

La même année, Suzuki qui se relève à peine de l’échec de la Rotary, introduit de nouveaux codes esthétiques avec la GSX 1100S Katana.

Une moto dessinée en Europe, en avance sur son temps : ses lignes plongeant vers l’avant constituent une rupture avec les machines existantes aux lignes horizontales ou tombant vers l’arrière.

L’année suivante le Honda s’engage dans une nouvelle voie technologique, avec sa CX 500 TC turbo.

Les autres constructeurs ne tardent pas à suivre :

- Yamaha XJ 650 turbo (1982)

- Suzuki Xn 85 turbo (1982)

- Kawasaki GPZ 750 turbo (1983)

En 1983, Honda ferme le bal avec sa CX 650 TC turbo, plus sage mais enfin aboutie.

HONDA CX 650 TC turbo : 100 CH, 260 kg, 201 km/h

 

Au début des années soixante, la moto ne constitue qu’un phénomène marginal.

Durant les seventies, elle s’adresse au grand public et devient  symbole de loisir et de liberté.

Dix ans plus tard, elle représente une forme de puissance absolue.

 

C'est "l'anti-moyen de transport", le plaisir de piloter un pur-sang.

 

A cette époque de démesure, caractéristique des seventies, succède une période de crise, qui va fortement impacter la décennie 80,  l’avenir du marché de la moto et de ses principaux acteurs.

Entre 1981 et 1987, la production annuelle des quatre Grands japonais est pratiquement divisée par trois : elle passe de 8,66 à 3 Millions  d’unités.

On est revenu au niveau de production des mid 70's.

 

Entre 1981 et 1989, les exportations des quatre Grands japonais sont quasiment divisées par quatre : elles passent de 4,1 Millions à 1,2 Millions d’unités par an.

Le niveau des exportations se maintiendra sous les 2 Millions durant toute la décennie 90.

Aux USA, une nouvelle taxe d’importation entre en vigueur en avril 1983. Elle  frappe de plein fouet les grosses cylindrées nippones tout en protégeant le constructeur historique de Milwaukee, jusque-là très mal en point.

La chute du dollar fait le reste : les importations de motos japonaises, sur le sol américain, passent de plus d’un million d’unités en 1981 à moins de 200 000 en 1990.

 

La frénésie des constructeurs à présenter de nouveaux modèles atteint ses limites :

- les concessionnaires peinent à vendre des motos qui se démodent trop rapidement

- les importateurs ont du mal à gérer les stocks de pièces détachées et les problèmes de S.A.V. de modèles trop vite mis sur le marché

- les constructeurs doivent supporter des frais d’études de plus en plus élevés

 

Les années 70 semblaient augurer d’une hégémonie durable des constructeurs japonais, c’est l’inverse qui se produit durant la décennie 80.

 

Sans délaisser complètement le public américain – premier marché mondial, les quatre Grands japonais se tournent alors vers le marché européen.

Ils lui accordent plus d’importance, adaptent leur production et leurs gammes en fonction des pays et des réglementations, des cultures et des pratiques.

La mode est à l’Eurostyle.

 

La crise s’installant, les constructeurs de l’archipel sont contraints d’adopter une politique de raison.

 

Au sein de leurs gammes :

 

Ils défrichent de nouveaux créneaux, comme le scooter, véhicule urbain, peu onéreux à produire et accessible à tous.

Yamaha qui a ouvert la voie avec le Passol, lance à présent le Beluga.

Les autres constructeurs suivent.

Le succès du scooter ne s’est jamais démenti et perdure encore de nos jours.

 

Ils surfent sur le phénomène Paris-Dakar, épreuve très suive à l’époque.

Et commercialisent des motos simples, à moindre coût de recherche/développement et de production.

Des machines inspirées des rallyes africains, qui font rêver et donnent au public urbain l’impression de pouvoir s’échapper de la grisaille quotidienne.

Honda teste le marché en 1982 avec sa 250 XLR Paris-Dakar Limited Edition.

D’autres modèles suivent : Yamaha XT 600 Ténéré (1983), Honda XL 600R Paris-Dakar (1985), Suzuki DR 600R Dakar (1986).

Ils refont même du neuf avec du vieux et inventent un nouveau concept : le Custom.

Encore des motos dérivées de modèles existants, aux budgets recherche/développement depuis longtemps amortis.

Des machines peu onéreuses à produire, bénéficiant d’une image plus cool, en totale rupture avec l’escalade à la puissance des mid 70's.

Tous déclinent leurs modèles existants voire vieillissants : Kawasaki Z900 LTD (1976),  Yamaha XS 650 Special (1978), Honda CX 500 Custom (1981), Suzuki GS 750 GL (1981) …

 

Cette politique de raison est la réponse à court terme à la situation de crise qui frappe les constructeurs japonais de plein fouet au début des années 80.

 

Parallèlement, ceux-ci se réorganisent en profondeur et adaptent leur outil de production à moyen et long terme.

 

Sur le plan industriel, les quatre Grands japonais intensifient leur production délocalisée dans les pays européens :

 

1° ils rachètent des constructeurs locaux :

- Honda acquiert Montesa, Espagne (1983)

- Suzuki achète Puch, Espagne (1983)

- Yamaha prend le contrôle de Sanglas, Espagne (1987)

 

2° ils passent des accords commerciaux :

- Kawasaki avec Derbi (Espagne)

- Yamaha avec Belgarda et Minarelli (Italie)

 

3° ils concluent des partenariats techniques :

- aide technique à Cagiva en Grand Prix

- composants et pièces détachées pour les nouvelles Triumph et Laverda

- suspensions et carburateurs pour Harley Davidson

- fourniture de moteur à Bimota, Aprilia, KTM et MüZ

 

A moyen terme, cela leur permet de contourner les mesures de protectionnisme et d’apporter des réponses adaptées aux spécificités de chaque pays.

Sur le plan commercial, les constructeurs nippons décident de supprimer les intermédiaires, de raccourcir et recentrer leurs circuits de distribution :

 

1° ils rachètent aux importateurs les licences qu’ils leurs avaient pratiquement données 20 ou 25 ans plus tôt.

- en France, Suzuki rachète sa licence à M. Bonnet

- en Europe, Kawasaki rachète sa licence à la Sidemm (France), à Detlev Louis (Allemagne de l’Ouest), à Jeker Haefeli et Cie AG (Suisse)

- Yamaha rachète sa licence à Sonauto

Seul Honda, premier constructeur mondial, est déjà présent en Europe en tant qu’importateur, à travers ses différentes filiales.

 

2° ils optimisent leurs moyens de distribution :

- Yamaha, Honda et Kawasaki installent leur filiale Europe aux Pays-Bas

- les marques sont représentées dans chaque pays par une succursale ou une filiale de l’importateur Europe

 

Les Pays-Bas sont choisis pour la qualité de leurs installations portuaires mais aussi pour leur fiscalité attractive.

 

L’informatique fait son apparition à grande échelle et les constructeurs peuvent désormais gérer leurs pièces détachées au moyen d’un stock central, le plus souvent situé aux Pays-Bas.

La crise s’installe durablement, la nouvelle force de frappe des quatre Grands japonais se met progressivement en place.

 

Que reste-t-il aux constructeurs européens ?

 

La plupart des 141 marques de motos que comptait l'industrie anglaise a disparu : la conception dépassée de leurs mécaniques, l’obsolescence de leur outil de production ont signé la fin d’une époque glorieuse mais sans avenir.

Seuls les patronymes de quelques marques emblématiques seront repris des années plus tard : Triumph, Norton, Brough Superior, …

 

Les marques italiennes tentent de passer du stade artisanal au statut de constructeurs généralistes.

Les plus fragiles sont rachetées.

Benelli passe sous le contrôle de De Tomaso en 1971. L’année suivante c’est au tour de Moto Guzzi d’être rachetée par le groupe automobile du milliardaire argentin.

Les frères Castiglione développent le groupe Cagiva à partir de l’usine de Schiranna rachetée à AMF Harley-Davidson en 1978 : achat de Ducati en 1986, Moto Morini en 1987, MV Agusta en 1992.

 

En Allemagne de l’Ouest, BMW, largement soutenue par la branche automobile de la marque, parvient tout de même à proposer de nouvelles avancées technologiques : monobras oscillant (1980), Paralever (1987), ABS (1988). BMW moto ne devra sa pérennité qu’au succès de la série 6 dans les années 70, puis à celui de la gamme GS dans les années 80.

 

Aux U.S.A. Harley Davidson, dont la gamme vieillissante souffre d’un déficit d’image et de fiabilité, se remet mal de l’échec de la période A.M.F.

La marque de Milwaukee repart sur de nouvelles bases : nouveaux investisseurs, production limitée, techniques de production innovantes, amélioration de la qualité.

L’administration Reagan lui apporte un soutien précieux en imposant en avril 1983 une taxe à l’importation des motos étrangères de plus de 700 cc.

De leur côté, les constructeurs japonais gardent leurs distances et se refusent à attaquer de front le dernier constructeur US, de peur de représailles économiques à un tout autre échelon.

Sur le long terme, les constructeurs japonais réorganisent en profondeur  leur production.

Ils s’apprêtent à introduire une nouvelle génération de motos, moins coûteuses à la production, plus rentables à la vente.

 

Et toujours plus attrayantes pour le consommateur.

 

Sur le plan technique, les motos des seventies n’ont eu de cesse de gagner en puissance, mais leurs parties-cycles sont demeurées en retrait par rapport à leur potentiel mécanique :

 

En 1967, la Honda CB 450 constitue le modèle phare de la production nippone.

Elle pèse 187 kg, développe 43 CH et atteint 171 km/h.

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En 1969, la Kawasaki ouvre une nouvelle ère avec sa 500 Mach III.

Une machine qui se serait sans doute qualifiée Grand Prix 500 quelques saisons plus tôt : 174 kg, 60 CH , 182 km/h.

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En 1977, la Honda sort son six cylindres face à la route.

La 1000 CBX pèse 247 kg, développe 105 CH et atteint 218 km/h.

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En 1979, Kawasaki explose le plafond de verre avec sa Z1300 : 322 kg, 120 CH, 217 km/h.

 

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Les motos sont de plus en plus puissantes, de plus en plus véloces.

Elles sont surtout de plus en plus lourdes.

Leurs cadres multitubulaires sont en acier, souvent de piètre qualité. Ils sont soudo-brasés et comportent de nombreuses pièces rapportées en tôle emboutie.

Ce sont des châssis inspirés des anglaises des années 60 : à l’époque, des machines simples, voire simplistes mais qui pesaient moins de 200 kg et ne développaient qu'une cinquantaine de chevaux.

 

Les constructeurs japonais s’intéressent au marché européen :

- le pouvoir d’achat y est important

- le réseau routier et surtout autoroutier s’est considérablement développé

- la sécurité s’est améliorée

 

Malgré les limitations en vigueur, la moto demeure un engin de vitesse que les usagers veulent exploiter au maximum.

Les japonaises aux moteurs surpuissants souffrent de problèmes de tenue de route : les motos louvoient, guidonnent, rebondissent sur revêtement dégradé.

Cela ouvre une parenthèse dorée aux préparateurs européens qui exploitent le potentiel des mécaniques nippones en les installant dans des cadres de qualité (tube Reynolds), bien plus rigides que les châssis d’origine.

 

Bimota, Egli, Rickman, Harris, Martin : c'est l'époque de la "Haute Couture" de la moto.

 

Des machines dotées de carénages empruntés à la compétition qui protègent le pilote et autorisent des vitesses élevées.

Cette période ne va pas durer : les constructeurs japonais introduisent sur le marché cette nouvelle génération de motos qui condamne à terme les fabricants de parties-cycles et de carénages.

 

En 1981, Honda est le premier à dégainer avec son nouveau moteur V4 qui tiendra le haut de l’affiche pendant plus de 30 ans malgré des problèmes de fiabilité (distribution) sur les premiers millésimes :

- VF 750 S (1982) : 82 CH, 225 kg, 204 km/h

- VF750 F (1983) : 86 CH, 221 kg, 216 km/h

- VFR 750 (1984) : 106 CH, 198 kg, 237 km/h

- RC30 (1987) : 122 CH, 185 kg, 244 km/h

L’offre de Yamaha  est plus diversifiée :

- 350 RDLC (1980) : 2 temps 47 CH, 143 kg, 183 km/h

- 500 RDLC (1984) : 2 temps, 88 CH, 180 kg, 238 km/h

- V-MAX 1200 (1984) : 145 CH, 254 kg, 235 km/h

- FZ750 (1985) : 105 CH, 209 kg, 233 km/h

- FZR 1000 (1987) : 135 CH, 204 kg, 256 km/h

 

Kawasaki cultive son image plus sportive que rebelle, et décline sa gamme Ninja :

- 900 GPZ (1984) : 115 CH, 228 kg, 247 km/h

- 1000 RX (1986) : 116 CH, 238 kg, 255 km/h

- ZX10 Tomcat (1988) : 137 CH, 222 kg, 268 km/h

- ZXR 750 H1 (1989) : 105 CH, 205 kg, 245 km/h

 

Suzuki sort de l’impasse Katana pour inventer « l’hyper-sport » :

- 750 GSX-R (1985) : 100 CH, 176 kg, 234 km/h

- RG 500 Gamma (1985) : 2 temps 95 CH, 156 kg, 236 km/h

 

Ces mécaniques de nouvelle génération sont désormais à refroidissement liquide, mieux maîtrisé que le refroidissement par air, voire à refroidissement air-huile (Suzuki GSX-R).

Les équipements mobiles reçoivent des traitements de surface, retardant leur usure.

Les matériaux utilisés gagnent en qualité, leur fabrication gagne en précision : les tolérances sont réduites, la dilatation mieux maîtrisée.

Les régimes moteurs s’envolent grâce aux culasses à 4 voire 5 soupapes par cylindre (Yamaha FZ 750) et à l’adoption de côtes carrées voire super-carrées.

Pour exploiter ces nouvelles mécaniques, les châssis adoptent de nouvelles techniques :

- tubes d’acier de section rectangulaire

- profilés en aluminium

- cadres périmétriques

- moteurs porteurs, en position de plus en plus inclinée

 

 

Les suspensions évoluent.

Les combinés amortisseurs laissent place à des systèmes mono-amortisseurs, issus du tout-terrain, offrant plus de débattement, de progressivité et de possibilités de réglages.

Les fourches évoluent peu mais reçoivent toutes sortes de systèmes anti-plongée, plus ou moins reliés au circuit de freinage – ces systèmes seront rapidement abandonnés.

 

- en 1984, la Kawasaki 900 GPZ Ninja propulse ses 1,98 kg/CH à la vitesse maxi de 247 km/h

- cinq ans plus tard, la Yamaha FZR 1000 de 1989 propose un rapport poids/puissance de 1,51 kg/CH pour une vitesse de pointe de 273 km/h

 

La tendance s'est inversée : 

L'escalade à la puissance continue mais les motos commencent à perdre du poids.

 

L’évolution des performances s’explique également par la progression des pneumatiques.

Les manufacturiers généralisent la monte en 17’ à l’avant comme à l’arrière. Les carcasses radiales et les gommes tendres font leur apparition. En 10 ans la largeur des pneumatiques AR passe de 120 mm à 200 mm, cédant en cela à un phénomène de mode : plus le pneu AR est large, plus la moto dégage une impression de puissance !

En réalité, plus le pneu AR est large, plus la tenue de route est …  camionnesque !

 

Les lourds budgets d’investissements et de recherche/développement,  consentis par les constructeurs nippons dans les années 80 vont s’avérer extrêmement rentables.

 

Leurs modèles phares perdurent bien au-delà de la décennie :

- la base moteur de la Kawasaki Ninja 900 de 1984 traverse les années 90 (1000 GTR, ZZR 1100), franchit le cap des années 2000 (ZZR 1200, ZRX 1100 puis 1200). Elle sera produite jusqu’en 2016 (fin de la production de la ZRX 1200 DAEG au Japon)

 

 

Le quatre cylindres air-huile de la GSX-R se décline en 1100 (1989) puis devient Bandit à partir de 1994.

Il perdurera jusqu’à l’avènement de la norme Euro 3 en 2007.

Les gammes mythiques nées durant les années 80 existent encore de nos jours.

Le haut de gamme sportif de Suzuki demeure plus que jamais la GSX-R (à refroidissement liquide depuis 2007).

Kawasaki utilise l’appellation Ninja, bien visible sur le carénage, sur sa gamme hyper-sport, sans discontinuité depuis 1984.

Sur le plan sociétal, les années 70 ont constitué une parenthèse enchantée brutalement interrompue au début des années 80 :

- apparition du SIDA

- chômage de masse en occident

- intensification de la guerre froide

- vague néo-libérale (USA, Royaume Uni)

- effondrement politique en Europe de l’Est

- catastrophes industrielles : Bophal (1984), Tchernobyl (1986)

 

Des populations entières ont vu leurs certitudes anéanties, leur avenir obscurci.

 

La jeunesse a commencé à penser : c'était mieux avant ! 

 

La moto, encore associée au rêve et à la liberté une décennie plus tôt, s’est vue soumise à de nouvelles contraintes :

- limitations de vitesse

- limitations de puissance (1986, en Allemagne de l’Ouest et en France)

- augmentation continue des tarifs de vente

- prix des carburants.

 

Difficile de faire rêver plus longtemps !

 

Dans les années 60, la moto crevait l’écran :

- Easy Rider, Denis Hopper, 1969

- The girl on a motorcycle, Jack Cardiff, 1968

 

 

Au cours des seventies, elle se voulait insouciante :

- Le grand bazar, Claude Zidi, 1973

- Quelques messieurs trop tranquilles, Georges Lautner, 1973

- La gifle, Claude Pinoteau, 1974

 

Dans les années 80, elle devient nostalgique :

- Top Gun, Tony Scott, 1986

 

Les motos des années 80, en 2020.

 

Le marché de la moto de collection a décollé au début des années 2000 avec l’arrivée d’une génération de cinquantenaires qui, dégagés de leurs contraintes financières et familiales, pouvaient enfin s’acheter ou se racheter les motos de leur jeunesse.

Leur intérêt portait sur les motos des 60's puis les japonaises des 70's : Kawasaki 750 H2, Honda CB 750, Kawasaki 900 Z1.

A cette époque, si tu n’as pas au moins l’une de ses machines à ton poignet, tu n’as pas réussi ta vie !

 

La génération qui avait 15/20 ans dans les années 80 arrive maintenant sur le marché de la moto de collection.

Cette génération va-t-elle à son tour s’investir dans la moto de collection ?

Les admirateurs de Top Gun auront-ils à cœur de restaurer des 900 Ninja ?

La côte des machines d’exception s’envole :

- Honda RC 30, Yamaha OW1, Kawasaki ZXR 750 RR pour les japonaises

- Ducati 851, 750 SS, pour les européennes

 

Comme toujours le haut de gamme tire le reste du marché.

Les 350 RDLC 1ère génération (4LO) ou les 500 Gamma deviennent hors de prix.

Avec l’arrivée de la nouvelle Katana, la côte de la « vraie » Katana, machine devenue très rare, repart vers le haut.

Dans cette logique, les GSXR, VFR, FZR vont suivre la même voie que leurs illustres prédécesseurs.

 

L’engouement des courses d’anciennes ne se dément pas. Les catégories Classiques ou postclassiques sont très prisées : les motos des années 80 sont performantes, fiables et encore peu onéreuses. Elles ne nécessitent qu’un entretien minimum.

En rallyes routiers le plateau Classique représente aujourd’hui près de 20% des engagés : pas besoin d’une très chère RC 30 pour se faire plaisir, une VFR suffit largement et coûte moins cher à réparer en cas de chute.

 

Sur le plan mécanique, on considère que les moteurs deviennent fiables à partir du milieu des années 80, époque à laquelle les traitements de surface - type Nikasil - se généralisent.

Paradoxalement, il est plus compliqué de nos jours, de restaurer la carrosserie d’une GSXR aux plastiques craquelés, que sa mécanique.

 

Pourtant le plaisir demeure intact, quelles que soient les générations : comme "Maverick" en 2020, roulons en NINJA H2 moderne, mais n’hésitons pas à ressortir le blouson et les lunettes, pour aller faire un tour avec l’ancienne, la vraie, LA 900 GPZ de 1984 … sur un air de "Take my breath away".

 

 

 

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Janvier 2020

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