Triumph X-75 Hurricane : for Wild-life enthusiasts everywhere

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Vetter a pris une moto moche et l'a rendue belle. C'est incroyable ce que la fibre de verre a pu transformer cette machine : plus sexy, plus élégante, plus classe ...

Glenn Bator, Brittbikes specialist

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X-75 : un projet mené en grand secret

Il faut remonter au début des années 60 pour trouver l'origine de la Triumph X75 Hurricane.

En 1961, Bert Hopwood, ingénieur en chef, et Doug Hele, designer, travaillent au sein du service R&D de Triumph, sur un nouveau moteur, dérivé du bloc équipant la Speed Twin.

Leur objectif est d'augmenter la cylindrée, en réduisant les vibrations.

Ils ajoutent un cylindre et deux paliers de vilebrequin au bicylindre existant : leur nouveau 3 cylindres vertical, face à la route, cube d'abord 748 cc (Prototype 1, 1965) puis 740,4 cc (Prototype 2, 1966).

Les deux ingénieurs développent leur moteur sans le soutien de l'usine BSA, alors propriétaire de Triumph : la haute direction n'est pas persuadée qu'une telle architecture puisse être rentable, sur le plan commercial.

Forts du succès que rencontre la Bonneville, en Europe comme aux U.S.A., les dirigeants de BSA/Triumph ne voient en effet aucune urgence à remplacer le "vieux" vertical Twin.

Edward Turner, patron de Triumph, est encore loin de prendre la mesure de la montée en puissance des constructeurs japonais.

Le compte à rebours est néanmoins enclanché : pour le constructeur britannique, il s'égrènera jusqu'en septembre 1969, date de la présentation de la CB 750 Honda.

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En 1966, à la suite d'un changement de direction, le groupe BSA donne le feu vert au projet "3 cylindres".

Le design est traité en externe, par le groupe Ogle Design, qui met plus d'un an pour rendre sa copie.

La production démarre au cours de l'année 1968, sous le patronyme "T 150", pour 150 MPH : la vitesse de pointe théorique de la future grosse cylindrée (241 km/h) - en réalité la moto ne dépassera pas 117 MPH (188 km/h).

Après quelques différents entre les équipes Triumph et BSA, le nouveau modèle est finalement commercialisé fin 1968, en deux versions distinctes - une première depuis le rachat de Triumph par BSA en 1951 :

- la BSA Rocket 3, avec cylindres inclinés de 15° vers l'avant, cadre double berceau et carrosserie "carrée", rouge foncé à bande blanche

- la Triumph Trident, avec moteur vertical, cadre simple berceau et carrosserie Aqua Marine (bleu pâle)

L'accueil est déplorable : public, concessionnaires et journalistes sont unanimes pour trouver les deux motos particulièrement laides.

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Don Brown, alors vice-président et directeur des opérations américaines de BSA, résume ainsi la situation :

"En se lançant dans le projet 3 cylindres, l'usine a commis une énorme erreur : elle n'était pas capable de concevoir un moteur moderne, avec carters moulés sous pression et boîte de vitesses, dans des limites de coûts de production maîtrisés."

Sur le marché U.S. la différence de prix est trop importante :

- Honda CB750 : 1 275 $

- Norton 750 Commando : 1 490 $

- Triumph Trident : 1 765 $

- BSA Rocket 3 : 1 785 $

Et la japonaise beaucoup plus attractive :

- boîte 5 vitesses (la Trident/Rocket 3 a une boîte 4 vitesses, à l'origine)

- démarreur électrique (la Trident/Rocket 3 n'a qu'un kick)

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Pour tenter de booster les ventes et de redorer l'image de la marque, Don Brown emmène les motos sur l'anneau de Daytona.

Au guidon de quatre Rocket 3, les pilotes embauchés pour la circonstance, Yvon Duhamel, Dick Mann et Ray Hempstead, établissent plusieurs records de vitesse et de distance.

Quelques semaines plus tard, la Triumph Trident établit de nouveaux records, sur le lac salé de Bonneville.

Cela n'est pas suffisant : les ventes de la Honda 750 s'envolent, celles de la Trident et de la Rocket 3 ne décollent pas sur le marché U.S. qui représente 80 % des ventes de la marque britannique.

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X-75 : une moto différente de toutes les autres machines existantes

Début 1969, Brown se rend à l'évidence : il faut absolument donner un style plus moderne à ce 3 cylindres, pour avoir une chance d'exister face à la concurrence nippone.

Il décide de financer lui-même le projet, en grand secret - il n'a aucune illusion quant à l'intérêt de l'usine vis à vis d'une telle idée.

Brown interroge Harry Chaplin, directeur des ventes de BSA aux États-Unis.

Celui-ci lui recommande Craig Vetter, jeune designer, connu pour ses réalisations sur base Triumph Bonneville et Suzuki Titan.

A l'époque, Vetter conçoit et commercialise des carénages adaptables, en polyester.

Sa société comporte une dizaine d'employés.

En avril 1969, Brown appelle Vetter pour le rencontrer dans son bureau du New Jersey.

Vetter se montre intéressé par le projet.

Et repart dans l'Illinois, avec une Rocket 3.

Le deal stipule que Vetter ne sera payé que si le projet entre en production.

Brown est impressionné par Vetter.

Ce dernier n'est pas seulement un concepteur - encore moins un rêveur.

C'est un designer industriel, doué d'un véritable sens pratique.

Pour Craig Vetter, une moto doit être simple et propre.

Le châssis et le moteur constituent l'essentiel : il faut les mettre en évidence.

Vetter est également influencé par le style "Chopper", très en vogue sur les Harley, et la contre-culture américaine - le film Easy Rider sort en juillet 1969.

Faites-en une moto sportive qui puisse emmener une personne et demie, qui donne une impression de vitesse même à l'arrêt et possède un look américain.

Don Brown à Craig Vetter

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Vetter se rappelle :

"Je voulais que mon projet soit réalisable,  je n'ai donc apporté aucun changement majeur sur la moto.

Rien qui aurait empêcher sa mise en production.

Mon but était que la moto attire tous les regards : "Regardez-moi, je suis différente et unique !"

En travaillant sur la Rocket 3,  j'attirais aussi l'attention sur moi.

Don Brown m'a donné des indications : il voulait un design moderne, une moto fluide et affinée, avec une petite selle 1-1/2 place.

Je pense que les motos sont plus belles ainsi.

Avec l'Hurricane, l'objectif était de se démarquer des autres machines de l'époque.

Mon but était aussi de lui donner un look américain.

Et enfin, que son propriétaire se fasse remarquer par les filles."

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Le prototype de Vetter est prêt en septembre 1969 :

- selle étroite

- réservoir orné d'un ruban adhésif doré

- phare chromé

- fourche Ceriani

- jantes aluminium Borrani

- garde-boue AV et AR en acier inoxydable poli

- échappement mégaphone 3-en-3 (les sorties sont fournies par Dan Brown)

- tubes de fourche rallongés de 3 cm

- tés de fourche déportés (pour garantir le maintien des plongeurs)

Vetter suggère que les ailettes de la culasse soient plus grandes, afin de mettre en valeur le haut-moteur.

Cette suggestion sera retenue pour la production.

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Peter Thornton, président de BSA/Triumph North America, a eu vent du projet.

Il demande à voir le prototype :

"Quelle moto virile !" s'exclame-t-il.

"Emballez-la et envoyez-la tout de suite en Angleterre."

La moto arrive à l'usine en octobre 1969.

Elle y reste jusqu'en juin 1970, date à laquelle elle est renvoyée aux U.S.A. chez Cycle World, pour un essai en exclusivité.

Pendant ces 8 mois, BSA travaille sur l'outillage nécessaire à la mise en production.

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Selon Brown, l'usine a décidé de produire l'Hurricane pour une seule raison : BSA/Triumph, alors en mauvaise situation, devait absolument inverser la tendance et relancer ses ventes aux U.S.A.

En outre, l'usine espèrait qu'avec le style "accrocheur" de cette Triumph, le public recouvrerait de l'intérêt pour la marque : ventes des autres modèles de la gamme, vente de pièces détachées, entretien en concessions, etc ...

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Lors de la première rencontre entre Vetter et Brown, le projet était défini comme "une version sportive de la Rocket 3".

Dans un article publié en 1970 par Cycle World (qui a récupéré la moto prototype revenue d'Angleterre), la moto est devenue une "Vetter BSA".

L'accueil est excellent, les journalistes s'étonnent même que les anglais soient capables de produire une moto aussi moderne, ils ne s'attardent guère sur les réelles capacités routières de la Rocket 3 relookée.

En janvier 1971, la moto est officiellement présentée à Houston, sous le nom "Vetter BSA Rocket 3", ce qui a probablement été suggéré par Tony Salsbury de BSA.

Cycle Guide essaye le modèle définitif en 1972.

Entre temps, le groupe BSA s'est effondré - à la suite d'une grève extrêmement dure.

La moto est donc officiellement rebaptisée Triumph X-75 Hurricane.

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La X-75 ouvre la voie au style Custom

L'Hurricane a été fabriquée à 1 172 exemplaires.

Commercialisée au tarif de 2 300 $, elle n'a connu qu'un succès d'estime et n'est jamais parvenu à endiguer la chute des ventes de Triumph/BSA aux U.S.A.

Mais la X-75 a marqué les esprits.

Et son époque.

Son design a influencé toute une génération de stylistes, travaillant à la conception de nouvelles motos.

S'inspirant de la X-75, les designers ont commencé à intégrer les lignes du réservoir, de la selle, des caches latéraux et le cas échéant, du dosseret - auparavant le réservoir était juste "posé" sur le cadre, en avant de la selle.

La X-75 a popularisé le style "Cruiser" qui donna naissance, par la suite, à la mode "Custom", très en vogue aux U.S.A. à la fin des années 70.

De nos jours, les Triumph Hurricane ayant survécu sont soigneusement répertoriées et conservées dans les collections.

Certains équipements spécifiques, comme la coque polyester, ont mal vieilli.

La faible capacité du réservoir, 10 L, n'est guère handicapante pour une machine historique, à usage raisonné.

Le moteur, à la réputation de fragilité, délivre 60 CH à 7 250 tr/mn.

Il se révèle facile à démarrer et relativement discret malgré les imposants pots d'échappement, sortant du côté droit.

A l'époque, l'usine recommandait aux journalistes de ne pas publier de photo du côté gauche de la moto.

A droite, ces pots d'échappements réduisent considérablement la garde au sol : le design a définitivement pris le pas sur l'efficacité.

La fourche rallongée influe sur la maniabilité à basse vitesse, en retrait par rapport à une Trident/BSA d'origine.

L'accessibilité n'est pas le point fort de l'Hurricane : pour accéder au réservoir d'huile, il est nécessaire de déposer la selle, fixée au cadre par deux molettes siglées "Triumph", situées au niveau des points d'ancrage supérieurs des amortisseurs.

La X-75 est dotée d'une béquille centrale dont l'utilisation est parfois délicate.

Dans la logique des "Cruisers", destinés aux autoroutes américaines, la démultiplication finale de la X-75 est assez longue.

La Triumph Hurricane pèse 191 kg à vide (205 kg tous pleins faits).

Sa vitesse de pointe légèrement supérieure à 180 km/h.

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Triumph X-75 Hurricane # 1392

Cette Triumph Hurricane porte le numéro de série et de moteur 1392.

La moto a été commercialisée aux U.S.A. en 1973.

Elle a été restaurée chez Bagster Cycle (Marne, Iowa), spécialiste des motos anglaises depuis plus de 40 ans.

Sur le plan mécanique :

- moteur

- boîte de vitesses

- embrayage

- carburateurs Amal

- échappements chromés

Au niveau partie-cycle et carrosserie :

- peinture cadre

- garde-boue inox AV et AR

- jantes alu + rayons zingués

- amortisseurs

- peinture carrosserie

- compteurs

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La moto a été ensuite importée en France où elle a été immatriculée.

Elle n'a parcouru que 138 miles (222 km) depuis sa restauration : le moteur reste à roder.

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La X-75 au musée AMA Motorcycle Hall of Fame

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Le prototype réalisé par Vetter en 1969 est aujourd'hui exposé au musée AMA Motorcycle Hall of Fame.

C'est la seule Triumph Hurricane à porter des stickers BSA sur le réservoir.

La moto affiche 1 675 milles au compteur.

On constate à quel point le projet imaginé par Craig Vetter est proche du modèle produit en série.

Triumph X-75 Hurricane : for Wild-life enthusiasts everywhere ...

Publicité Triumph, 1972

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